Avant-propos
Le lecteur se demandera, et judicieusement, pourquoi cette analyse du discours que j’ai produite, sur l’ouvrage de Christian Pheline ‘L’aube d’une révolution, Margueritte, Algérie, 26 avril 1901. La raison majeure réside dans le fait que je tenais absolument à restituer l’histoire, telle qu’elle était, vue objectivement par d’éminents historiens ou essayistes dont Robert-Charles Ageron, Yves Lacoste, Laadi Flici et d’autres non moins importants, tous animés par le souci de transmettre des évènements dans la sincérité et l’objectivité, difficilement ou quasiment contestables. Car de l’histoire bien rapportée, on peut établir des voies de communications de compréhension, de tolérance, de pardon. J’ai écrit le premier sur l’insurrection de Margueritte dans une œuvre, intitulée ‘Marguerite’, subdivisée en deux tomes, le premier publié chez Publibook Paris, le second publié chez Edilivre Paris, successivement en 2008 et en 2009. J’y avais analysé la praxis coloniale dans cette contrée de Margueritte, comme étant un échantillon de ce qui se passait partout en Algérie, du moins dans les terres agricoles du Nord du pays ou de ce que l’on appelle communément le Tell. C’était l’objet du premier tome. Quant au second, il développe l’insurrection des Righa qui s’était produite le 26 avril 1901 dans le village de Margueritte, de son nom originel ‘Ain-Torki’.
Ce village a édifié une stèle commémorative en 2002, à la gloire de ses martyrs au lieu de la confrontation armée qui s’était déroulée entre les insurgés des Righa et des bataillons de l’armée française, malgré que sa mémoire collective ne disposât pas d’amples données historiques, sauf évidemment quelques extraits de journaux coloniaux de l’époque ou encore des photos archives. C’est dire que ces habitants étaient frustrés, avides de connaitre l’histoire particulière de leur insurrection. Donc mes publications venaient combler un vide immense et accroitre leur fierté. Donc mes publications ne tardèrent pas à susciter leur intérêt et leur besoin de savoir avait été rapidement exprimé. En effet, je fus invité le 26 avril 1901 pour animer une conférence sur cette insurrection qui rendait un vibrant hommage aux insurgés de l’an I, comme je les avais baptisé symboliquement dans mon œuvre. Cette appellation fut reproduite par Chrisitian Pheline dans son livre, puis réutilisée par Benjamin Stora dans sa préface et j’en réclame avec force la paternité. Christian Pheline avait exprimé le vœu d’y assister. Une invitation lui avait été lancée par l’association Nour qui avait initié cette journée. Je l’ai donc rencontré à Margueritte et il m’a appris qu’il avait lu mes deux tomes ; j’en étais alors très heureux. Mais à aucun moment, il ne m’avait dit qu’il écrivait ou écrirait un ouvrage sur l’insurrection. Une année plus tard, j’appris qu’il avait publié, en France, un ouvrage ‘l’aube d’une révolution, Margueritte, Algérie, 26 avril 1901, dans lequel il m’avait cité dans quatre ou cinq pages.
A mon tour j’avais commandé et lu son ouvrage. Néanmoins, sa lecture m’avait interpellé, notamment pour des faits qui ne concordaient pas. En effet, je fondais mes travaux sur l’œuvre magistrale de Charles-Robert Ageroon ’ Les Algériens musulmans et la France 1971-1919 ’, qui donne suffisamment de détails précis, ainsi que l’ouvrage de Laadi Flici ‘ qui se souvient de Margueritte ? ‘, dans lequel il rapporte les auditions des témoins, des victimes, des accusés, au cours de l’instruction, mais aussi au cours du procès de Montpellier. Donc, je me sentais concerné par ce débat contradictoire et j’ai tenu à produire cet essai historique pour mieux resituer les vérités tronquées. Bien entendu, ma conscience m’intimait de faire ce travail, pour lequel je n’étais pas suffisamment outillé, sur le plan scientifique, sans avoir pour autant un accès au fonds d’archives coloniales. Ma motivation fut déterminée par plusieurs affirmations de Christian Pheline, qui dévalorisent notre peuple libre, né libre, dominé par la France, mais jamais soumis à Elle. Le lecteur algérien ou universel découvrira avec stupeur les théories élaborées pour déprécier le combat de notre brave, belliqueux, héroïque peuple.
Mon attention a été retenue par des citations aux chapitres : il y a une révolution, assaut, représailles, débats. Quant au chapitre détention, il est surtout un discours de dérision, d’avilissement des insurgés en détention qu’il nous montre parfois indignes d’assumer leurs actes, parfois frappés de phobie. Comme il s’agit d’une détention provisoire, on épargnera au lecteur l’analyse de scènes comico-tragiques qui n’apportent aucun détail supplémentaire à la compréhension intelligente de l’insurrection avec toutes ses répercussions. On est surtout dans le roman fantastique à la prison, au moment de l’embarcation au port à bord du navire. Autant de détails, précis pourtant, néanmoins sans rapport avec la révolte de Margueritte ou de l’affaire Marguerite elle-même. S’agissant du chapitre procès, l’auteur nous donne des détails de cinéma sur les gradins de la salle d’audience à la cour d’assises de Montpellier ou autres, tout à fait superflus. Toutefois, je l’ai traité dans le chapitre phase judiciaire, afin d’éclairer le lecteur et lui fournir le cœur même de l’affaire, c'est-à-dire les développements du procès ainsi que le verdict. Les autres chapitres ne m’ont nullement interpellé, car j’estime qu’ils ne se rattachent nullement ni à l’insurrection, ni au procès.
J’avise d’ores et déjà le lecteur que les citations de l’auteur Christian Pheline sont transcrits en caractères gras, afin de mieux en faciliter le suivi du discours. Quant à d’autres citations, appartenant à d’autres auteurs, elles sont transcrites en clair. Car parfois, j’y ai recours.
Par ailleurs, j’ai été surpris par la préface élaborée par Benjamin Stora, qui qualifie l’ouvrage de C. Pheline de précis. Cet historien notoire est vraiment à côté du sujet et franchement, je ne perçois pas sa motivation. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’a pas lu mon œuvre, encore moins l’ouvrage de Laadi Flici.
Enfin, je dirai un dernier mot. C. Pheline dit avoir été motivé pour écrire son ouvrage par le côté affectif. C’était une façon, comme il le dit, une façon de rendre hommage à son arrière grand-père, Maxime Pheline, juge d’instruction, au parquet de Blida, et qui avait procédé aux interrogatoires. Effectivement, Maxime Phelien avait exercé au tribunal de Blida, comme juge d’instruction du 31/12 1898 au au 06/02/1909, date à laquelle il fut promu président du tribunal de Mascara. Pour le fait d’avoir mené les interrogatoires des insurgés, résidents de la commune-mixte de Meliana, je reste perplexe. En effet, Meliana était chef lieu d’arrondissement, doté de son propre tribunal et d’un juge d’instruction. Alors où se situe la compétence territoriale ?
Enfin, je n’ai aucune motivation personnelle, ni animosité ou quelque ressentiment à l’égard de l’auteur avec qui je garde toute la courtoisie en sa personne et l’estime pour le travail qu’il a produit. Car on ne partage pas forcément les thèses d’autrui, d’autant si elles échappent à la vérité et enfin il n’existe point de vérité absolue.
Ahmed bencherif