lez procès des i nsuregés de Marguertte Montpellier; ahmed bencherif

                                                     L’insurrection

  1. Exposé des faits

Le vendredi 26 avril 1901, des hommes « Righi » du douar d’Adélia se soulèvent, munis d’armes de guerre et blanches. Cent-vingt-cinq « indigènes » se soulèvent contre le colonisateur. Ils marchent sur le village européen de Margueritte, de son nom originel : Ain-Torki. Cette petite agglomération fut créée vers 1880. Elle est située à neuf kilomètres de Meliana, une vieille cité antique et riche terroir qui avait justifié l’implantation coloniale précoce. Sur leur chemin, ils passent par la maison forestière où un accident meurtrier se produit. Cette tribu était accablée d’impôts, de corvées, d’amendes forestières et de diverses humiliations. Elle était précocement frappée de dépossessions agricoles, dès l’année 1863. Et depuis, elle continuait à les subir, sans foi ni loi. Elle subissait en se résignant devant la loi du plus fort, qui de surcroit, était inique. Longtemps, elle en avait accepté les injustices flagrantes et les vexations, en espérant de meilleurs lendemains. Ce n’est que tardivement qu’elle s’était plainte, quand elle fut en fait saignée à blanc.    

Définition de ce mouvement armé

En son temps, plusieurs définitions sont données à ce mouvement armé, aussi bien par la presse que par les services du gouvernement général, ainsi que l’archevêché d’Alger. Il faut noter qu’il est de faible ampleur, puisqu’il est localisé à un petit village de 300 habitants au plus et que son impact immédiat reste relativement modeste. De ce fait, il est promptement réprimé dès la première intervention militaire. Or, les autorités coloniales et la presse étaient confrontées par le passé à des actions militaires puissantes et de longues périodes. Elles ne comprennent pas cette révolte de quelques heures et peinent à la définir systématiquement. Elles accusent directement les colons d’être des fauteurs de troubles et de désordres à Alger et occultent le tempérament insurrectionnel de l’indigène, quand il le faut. L’archevêque d’Alger, Mgr Oury, le gouverneur général, Jonnart, le préfet Lutaud le justifièrent, comme étant les résultats naturels de l’anarchie. Les concepts utilisés et vulgarisés sont : la révolution, l’échauffourée, la petite révolte, la grosse révolte, l’insurrection.

Révolution

L’adjoint spécial Jenoudet fait la déposition suivante au procès dans sa vingtième journée : ‘Vers midi, Désiré Gay vint placidement me dire : « il y a une révolution ! » (1). À son tour, Monsieur Monteils, administrateur adjoint, fit lui aussi la déposition suivante quand il était aux mains des insurgés et s’apprêtait à prononcer la profession de foi de l’islam : ‘Le caïd Kouider se présenta à moi et me dit : « C’est la révolution ! »(2).

Cet élu communal ne parait ni étonné ni bouleversé. Il était loin de se douter que c’était une « révolution indigène ». Car, la révolution est du seul registre des colons. En effet, les Français d’Algérie avaient fait leur propre révolution en 1898 contre les excès et les abus du pouvoir du gouvernement de Paris. Leur mouvement était dirigé contre les Juifs qu’ils jugeaient déloyaux dans la concurrence économique et surtout contre la France elle-même dont ils trouvaient la tutelle trop ferme et étouffante. Le parti colonial demandait une forme de fédéralisme avec la Métropole. Il obtint finalement en décembre 1900 l’autonomie financière qui s’exerçait par le biais des délégations financières, une forme de parlement qui établit le budget et fixe les taxes et les impôts. La révolution des colons menée par Max Régis avait longtemps défrayé la chronique et elle était encore très vive dans les mémoires aussi bien des colons que celle des indigènes. Elle avait longtemps défrayé la chronique presque toute l’année 1898 et laissait encore des conséquences de violence jusqu’aux mois d’avril et de mai 1901, particulièrement illustrés par des désordres qui avaient particulièrement déconcerté le préfet Lutaud. En effet, les jeunesses antijuives avaient provoqué des bagarres dans le café-bar Tantonville et mis à sac la Maison du Peuple.   

Pour revenir à l’action armée des Righa, force est de constater que ce n’est pas une révolution qui a pour objectif de renverser le régime, au moyen d’une stratégie pour y aboutir. Deux critères indispensables lui font cruellement défaut : la discipline et le chef. Ces deux éléments sont constitutifs pour répondre au caractère guerrier et à la projection dans le temps. Or, ils sont imperceptibles tout le long de l’opération militaire. Sans risque d’erreur, nous pouvons avancer le terme anarchique qui est manifeste pendant le siège du village par les révoltés.  

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