Seigneur ! Elle est partie, la reine sublimée
Sans me dire un mot, de façon hâtive.
La verrai-je bientôt, celle que j’ai aimée,
Qui vit en moi-même, en braise très vive ?
Ah ! Quelle infortune ! Le désir me brûle ;
Mon rêve s’estompe, me sevrant de plaisir.
Quel malheur, quand le temps refuse le recul,
Déroule en course effrénée l’avenir.
Votre prince bloque les voies du paradis
Terrestre afin de préserver la race,
Détruit les rêves de bonnes gens hardies,
En mal vie au terroir, en quête de négoce.
Son bastion défendu est inviolable,
Gardé sur tous les fronts, hautement baraqués,
Qui ferment les issues si impénétrables
Et ne craignent nullement d’être attaqués.
De péril ? Oh que si, la voie infernale,
Jalonnée de danger par canoë sur mer,
Guettée par la houle, ses fortes rafales.
C’est le trépas au fond, fortuit cimetière.
Veux-tu que je tente l’horrible diable,
Au risque de déchoir dans la déchéance,
Défie l’esprit marin, phobie lamentable
Des légions romaines, noyées sans résonance ?
Veux-tu que je tente l’épreuve mortelle,
Trépasse dans un bain de sang qui se dilue,
Serve de pitance au requin cruel
Et sombre dans l’oubli, point de chronique lue,
Toi que mon sort peinait et rongeait de douleur
En faisant mon jeune assez suicidaire,
Eprouvant les affres de l’atroce langueur,
En souffrant l’affection morbide pour plaire
Aux quidams enfermés dans leurs grands cabinets,
Imbus de leur savoir qui perce le monde,
Par une lucarne réprouvée et damnée,
Qu’ils testent froidement par de vaines sondes ?
Tu m’attendras en vain, troublée par l’énigme,
Cloîtrée dans l’antre de l’affreux silence,
Et de consolation, tu liras mes rimes
Pour curer tant soit peu tes froides angoisses.
Tu attendras en vain la blanche colombe
Et un jour planera sur ton toit le corbeau
Au plumage de deuil, parti de ma tombe,
Qui te dira la mort de ton aimé dans l’eau.
Alors et seulement, la franche vérité
Produira son effet sismique dans ton moi,
Tu sauras de combien tu auras raté
En jours merveilleux et en joies avec ton roi.
Tu prendras la moisson des fleurs de ton jardin,
Tu iras de pas vif et les mains tremblantes
Les jeter sur les flots amers et hyalins,
Très vite corrompues par les sels d’amiante.