Margueritte écriture et mutation , ahmed bencherif

                                          Centre universitaire Salhi Ahmed

                                                         Naama

                                            Journée d’études sur le roman francophone algérien       

                                                          Le 4 décembre 2023

                               Margueritte : du roman historique à l’essai historique

                                              De l’auteur  Ahmed Bencherif

       

        La littérature, c’est projeter sa vie vers l’autre, la vie des autres vers l’autre ; elle est essentiellement humaine, dans ce sens qu’elle exprime nos forces et nos faiblesses, nos pulsions et nos désirs ; c’est présenter notre personnalité comme reflétée par un miroir parfait en surface et une sonde introspective dans notre moi profond. C’est notre cœur, notre âme qui parle tour à tour. C’est dire une fusion ou même une confusion de passions et de spiritualité, autrement dit une sagesse donc une forme de la raison. Elle a recours au langage pour s’exprimer, exprimer, éblouir, transporter dans l’imaginaire. Ecrire c’est parler de soi ou des autres, utiliser un style, employer des règles, des principes, une grammaire, une orthographe, un plan. Donc c’est quelque chose de normative qui s’impose. Ecrire, c’est laisser un relief de sa propre culture. Cette écriture est confrontation en double communication avec soi-même et autrui.

           La littérature est souvent de culture plurielle, en un seul style d’écriture. C’est le cas de la littérature maghrébine d’expression française. Dans la littérature maghrébine, le pluriel s’impose, c’est le nous, c’est toute la société qui est visible dans la trame romanesque, d’où s’explique la multitude des personnages et une pluralité des héros. Ce n’est pas la ville urbanisée, modernisée, cultivée et partant espace  de l’individu agissant. L’individu est donc histoire en propre qui se distingue de la société, une forme d’égoïsme. Mais c’est le village, le douar, la ruralité qui manque cruellement de tout : ni école, ni viabilisation. C’est le groupe social, la tribu, la fraction mais jamais l’individu agissant. Nous relevons  ce caractère dans les moissons en la forme du volontariat bénévole, cette Touisa ; on va encore payer le taleb l’imam sur fonds privés par cotisation. Donc il existe toute une échelle de valeurs où l’individu a été formé et donc pour le cas c’est l’écrivain.  

        Cette littérature procède à la fusion du Maghreb et de la langue française qui sont deux univers différents.   C’est le lieu des métissages des cultures, le lieu des ouvertures et des accès offerts par la langue française, le lieu de coexistence de deux cultures qui dialoguent, s’entrechoquent,

D’un point de vue historique, il existe une littérature maghrébine depuis 1945.on distingue aussi une disjonction de trois ensembles de textes avec perméabilité. C’est avec les relations politiques et diplomatiques avec la France que l’on peut distinguer ces trois types de mouvements littéraires :

 -  les littératures nationales produites en arabe classique, berbère ou dialectal échappent  à l’influence française.

- les textes qui s’inscrivent dans une logique coloniale écrits par des Français pour un public français.

- les textes se réclamant d’une identité maghrébine produits par des Maghrébins d’abord engagés au moment des luttes pour les indépendances qui vise un public français dont il fallait attirer la sympathie ; aujourd’hui cette littérature est devenue classique et figure parmi les programmes scolaires. Elle a survécu à l’arabisation dans les trois états. De nos jours elle s’adresse à un public maghrébin plutôt que français, installant un nouveau dialogue entre les deux rives. Les auteurs se servent de la langue française parce que l’histoire de leur pays l’a voulu.

   Le débat critique est souvent biaisé et obéit à une forme de passion, loin de la sérénité avec l’ex colonisateur : les conflits refoulés, tour à tour l’attirance et la répulsion, les désirs camouflés sont en jeu dans le rapport avec lui. De plus, l’affirmation de soi est sans cesse convoquée, comme si elle était constamment contestée par l’ex colonisateur, qui l’est en fait- dans son subconscient. 

        La colonisation avait produit un phénomène d’acculturation. Cela avait posé une question essentielle ou disons existentielle : fallait-il écrire avec la langue du colonisateur sans être aliéné. Cette question ne cessa de hanter nos écrivains. Le système colonial diffusait sa langue, sa culture par la presse, l’administration, la justice en dressant de solides barrières pour la langue arabe et berbère, par la fermeture des écoles, des séminaires, des universités traditionnelles. Il visait tout simplement l’assimilation des populations maghrébines pour les intégrer dans un ensemble de francophonie encore en formation. Sa tâche n’était pas aisée cependant, car les langues locales étaient solidement enracinées dans les trois sociétés qui avaient produit quand même un modèle de civilisation arabo-musulmane.

      Alors c’est avec la langue du colonisateur que nos écrivains s’étaient exprimés. Ils ont composé des textes de dimension littéraire et identitaire complexe.

        L’essai est le premier genre adopté. C’est une prise de parole, une manifestation de soi, par laquelle il revendiquait une place dans l’espace colonial. L’écrivain y recourait pour apporter sa contribution dans un débat ou politique ou culturel. C’est un sous-genre, une littérature orientaliste, exotique qui met en lumière des peuples étranges au public occidental. C’est l’ouvrage  autobiographique de Mohamed ben si Ahmed Benchérif, produit en 1921 dont il raconte les campagnes militaires au Maroc et en Allemagne et qui ne manque pas d’exotisme. En fait cette timide contestation n'est pas évidente à première lecture et ce roman semble plutôt faire allégeance au pouvoir colonial qui lui consent un espace - si limité soit-il - dans ses institutions éditoriales. "Echantillons" de la réussite de la mission civilisatrice de la France, ces auteurs semblent n'avoir acquis leur statut d'écrivains et d'intellectuels qu'au prix d'une "trahison" et peuvent être exhibés comme justification de la politique d'assimilation.

              C’est dans cette optique, que j’ai dû  choisir le genre  du roman historique pour mon tout premier texte littéraire. L’œuvre historique monumentale de Charles Robert-Ageron ( Les musulmans algériens et la France 1871-1919 )  m’avait conduit à me poser des questionnements sur le drame colonial, les formes de résistance pacifiques. Donc Ageron avait développé tous les segments de la vie sociopolitique de l’Algérie coloniale pendant cette période 1871-1919, mais également l’insurrection de Margueritte ou des Righa du 26 avril 1901 dont il avait développé les causes et les conséquences.

        Donc j’ai élaboré Marguerite ( Margueritte) en 2 tomes, le premier ayant trait au drame colonial, le second à l’insurrection elle-même. Les deux volumes ont été publiés en France, respectivement chez Publibook et Edilivre Paris. j’avais tiré un grand profit de la chronique du temps du défunt Laadi Flici (Qui se souvient de Margueritte ? ), ouvrage peu volumineux mais qui retranscrit les auditions au procès de la cour d’assises de Montpellier, desquelles j’ai pu reconstituer l’insurrection en cause et du procès des insurgés.

       Je dois revenir à mon introduction pour apporter mon modeste témoignage sur l’engagement de la littérature maghrébine d’engagement. Mon éditeur Publibook m’invite le 19 mars 2009 au salon international du livre de Paris. je m’y étais préparé en achetant un lot de livres que devait présenter mon éditeur au salon. Mais il fallait le visa pour m’y rendre. Après trois mois d’enquête, le consulat d’Oran me refusa ce visa. Quelle déception ! J’engage un bras de fer avec l’Etat français pour me dédommager et lui signifier l’injustice dont j’ai fait l’objet. J’écrivis au Président de la république française, M. Sarkozy. Son chef de cabinet me répond en me disant que mon courrier a été lu par le Président de la République française et qu’il avait chargé le ministre de l’émigration, M.  Eric Besson. Celui-ci m’écrivit en effet et aprs plusieurs mois, il me répond que la décision du consul général d’Oran était justifiée et que si vous voulez encore faire un recours écrivez à la haute commission des recours. J’avais tout simplement abandonné. Mais j’étais heureux d’avoir la preuve d’avoir la preuve que mon œuvre était anticoloniale. Ces dernières années j’appris par de hautes autorités algériennes instruites sur les visas que désormais mon nom figurait sur la liste noire des autorités consulaires françaises.

            Pour revenir à mes publications, j’avais fait quelques présentations de mon œuvre au niveau de notre wilaya d’abord par une vente dédicace à la maison de la Culture Naama et des exposés à Ainsefra sur invitation de l’association Safiakettou. Les débuts étaient tristes et ne présageaient pas du tout mon succès. J’avais créé mes sites en 2010 et je commençais à être connu. Puis, en 2012, je reçus une invitation par l’association Nour de AinTorki (Margueritte) pour présenter mon œuvre. Enfin, une lueur d’espoir qui revient. Je publie l’invitation sur mon blog. Une agréable surprise m’attend. Un Français, Christian Pheliene, fait un commentaire sur mes sites et me demande de l’inviter. Je lui réponds que j’en étais heureux mais je transmets votre demande à l’association. Il fut en effet invité. Donc, je me rend à AinTorki. Je constate une mauvaise volonté manifeste des autorités locales. Le maire n’a pas voulu mettre à la disposition de l’association le centre culturel dont la présidente fut obligée de louer une salle des fêtes à 18.000 dinars. M. Christian Pheline était là. On fait connaissance et il m’apprend qu’il était un visiteur de mes sites et qu’il avait lu mon œuvre Margueritte. Nos échanges étaient sommaires cependant.

             Deux ou trois mois plus tard, j’appris que M. Christian Pheline était de retour, qu’il avait publié un ouvrage historique en France intitulé ‘ L’aube d’une révolution, Margueritte Algérie 26 avril 1901’. L’auteur était rentré en Algérie précisément à Aindefla, il avait dédicacé son ouvrage au lectorat de cette wilaya. Puis, il a eu la chance de rééditer son livre en Algérie aux éditions La Casbah. J’achète en France quelques copies. Je lis et je relis l’ouvre que j’analyse en toute objectivité. J’ai un goût amer au niveau affectif et au niveau mémoriel :

-. L’auteur se réfère à un historien américain qui, selon lui, notre peuple s’accommode de la colonisation et veut bien l’être. Il traite le chef de l’insurrection comme un thaumaturge qui suçait la langue des autres pour se faire obéir. Les impairs font légion.

 -.   J’ai ressenti une grande peine. J’avais l’impression qu’on volait mon succès. Pire encore, cet auteur est l’invité de la radio chaine trois et de la radio Aindefla. Tout comme des espaces journalistiques lui sont réservés.

Cependant, je ne m’avoue pas vaincu. C’est là que je fais de mon œuvre un projet d’écriture. Je tente un virage et je publie un essai historique ‘ Regard  critique sur l’œuvre de Christian Pheline aux éditions Chaab El Harrach. En 2015, la chance me sourit. Je passe à Canal Algérie expression livre et deux émissions sont consacrés à mon œuvre Margueritte tome 1et tome 2. Je fais plusieurs conférences aux universités d’Oran, Batna, Tlemcen dans le cadre de colloques internationaux ou maghrébins ou invités. Plus tard le centre universitaire Salhi Ahmed de Naama m’ouvrit ses portes.

Mes lecteurs m’exhortent à faire une adaptation cinématographique de mon œuvre. Alors, je la réédite sous le titre de ‘Margueritte revisitée aux éditions Al Moutaqaf Batna en 2019. Je conclus un contrat avec un scénariste, puis je prends contact avec un producteur à Boumerdes. Ce dernier me dit que le ministère de la Culture n’accorde pas de subventions. Encore une fois, la chance me lâchait. J’étais convaincu que Christian Pheline me volait mon succès. En effet, je découvris que le juge d’instruction de l’affaire Margueritte était son arrière-grand-père et qu’il tentait de le disculper de ses interrogatoires abusifs et de ses arrêts injustes. Alors, en 2020, c’est le vrai virage du roman historique à l’essai historique. J’entame le procès des insurgés de Margueritte. La recherche documentaire et l’écriture ont été longues et éprouvantes. Je m’initie aux méthodes scientifiques et je m’inspire de l’œuvre du maitre Charles Robert Ageron. Puis, je plonge dans le passé lointain et je tombe sur les chroniques judiciaires de l’époque. C’était vraiment un procès passionnant, célèbre de son temps.

Au début de janvier 2021, mon essai était achevé. Puis commença le marathon pour trouver un éditeur avec toutes les craintes de me voir signifier un refus. Cependant, j’avais visé haut. J’avais soumis entre autres mon manuscrit aux éditions l’Harmattan, l’une des plus grandes maisons de France qui publie essentiellement les œuvres sociales, les thèses de doctorat. Je reçus une réponse favorable et cet éditeur m’invite à corriger les fautes d’orthographe. C’était le COVID et j’étais en déplacement à Bechar où j’avais subi une chirurgie oculaire. Finalement, je parviens à faire les corrections nécessaires et en 2021, le procès des insurgés de Margueritte cour d’assises de l’Héraut 1902-1903 est publié en mars.

Non seulement mon nouvel ouvrage scientifique est là mais j’avais le noble sentiment d’entrer dans la cour des Grands. Ma carrière académique commençait. En effet, je suis interviewé pour la première fois par un journal de Montpellier en France, puis l’annonce est faite en Algérie par un organe de presse. Je propose ce livre d’histoire de 300 pages au recteur de l’université de Tlemcen pour l’intégrer dans la recherche scientifique historique. Je reçois une réponse favorable et le laboratoire d’histoire organise pour moi un séminaire en juin de la même année. La saga de Margueritte était désormais à l’international. En effet, sur le net je tombais sur podscat où deux universitaires avaient fait un exposé sur Margueritte. Il se trouve que ce sont des chercheurs l’un anglais, l’autre américain, qui travaillent sur l’Algérie coloniale française. Sans difficultés, je trouve leurs contacts et je leur annonçais ma nouvelle publication et je leur proposais de l’intégrer dans leurs travaux de recherche :

-. La Docteure Jennifer Sessions me répondit qu’elle venait de recevoir une copie du procès des insurgés de Margueritte et qu’elle avait également lu mon roman historique qu’elle dit avoir apprécié. Elle l’intègre dans ses travaux de recherche à l’université de Virginie aux USA, d’autant qu’elle bénéficiait d’une bourse de recherches d’une grande association et qu’elle avait séjourné plusieurs en France.

-. Le   Docteur Arthur Asheraf est aussi professeur chercheur à l’université de Cambridge au Royaume Uni. Il accepta avec un réel plaisir de l’intégrer dans ses recherches scientifiques.                                      

         Pour revenir à la mauvaise volonté des autorités locales de la Wilaya d’Aindefla. Dix ans plus tard, je connaissais ma plus grande déception. J’avais proposé à la bibliothèque principale de faire le premier colloque national sur cette insurrection. Son directeur accepta et j’avais toujours cette crainte de voir surgir une entrave. J’avais un panel de professeurs en histoire avec qui nous avions fait un colloque national sur le soutien international autre qu’arabe à la révolution algérienne. Parmi eux, se trouvaient trois professeurs de l’université de Khemis Meliana. Ils décidèrent de boycotter ce colloque. Je sollicitais une audience au Wali d’Aindefla en l’informant de mon projet de colloque et en lui disant que je rencontrais des entraves et que je devais les révéler de vive voix. Il me convoqua. Je m’y rendais par une journée froide et pluvieuse de décembre. Hélas, le Wali n’a pas voulu me recevoir. J’était révolté du peu de considération qu’il m’accordait. Je retourne chez moi à Tlemcen et je lui envoie une lettre dure de ton mais respectueuse. Pour moi, c’était la fin de mes activités à Aindefla.

          Mais pourquoi cette mauvaise volonté. Nous avons la réponse dans les évènements de l’insurrection de Margueritte elle-même que je vais exposer brièvement

              Résumé

                Une trentaine d’individus s’étaient réunis au mausolée de sidi Bouzar le 25 avril 1901, sous la direction de deux hommes : Yakoub Ben ElHadj et Taalibi Ben Aicha. Ils passaient en revue les préparatifs de l’insurrection qu’ils avaient projetée de mener le lendemain. L’insurrection de Margueritte ( Righa) est déclenchée le vendredi 26 avril 1901. Cent-vingt-cinq hommes marchent sur le village de Margueritte, située à neuf km du village  de Meliana. Sur leur chemin, ils passent par la maison forestière. Le garde champêtre prit son fusil Lebel et tira un coup de feu, dont la balle a été déviée de sa trajectoire. La riposte est immédiate et il est tué par un projectile. Ils arrivent au village et rassemblent les habitants, tous des colons, sur la place publique. Pourtant, ils sont terriblement menaçants. Ils  contraignent les Européens à se convertir à la foi musulmane. Cinq Européens, qui avaient refusé de renier leur foi, sont massacrés dont l’un survivra à ses blessures graves.

Vers dix-sept heures, une compagnie arrive aux abords de Margueritte et une confrontation se produit avec les insurgés dont dix-sept tomberont au champ d’honneur, du côté des soldats, un tirailleur en est mort. L’insurrection était réprimée dans le sang. Pourtant, le  lendemain est sur pied de guerre. Deux-mille soldats, entre Zouaves, Tirailleurs, sont sous le commandement du général Octave Gilet. Il y eut un affreux et criminel ratissage  

Dans la forêt. Des morts sans sommation, des vols de bijoux, des saccages,  des viols de femmes. L’opération est achevée trois jours plus tard et quatre cents hommes sont arrêtés, ramenés à Margueritte et interrogés.   

         Donc, les viols des femmes restaient tabous pendant 120 ans au sein d’une société conservatrice. L’affront persistait, l’humiliation aussi. Il se trouve que parmi les principaux insurgés, il existe par les temps présents des descendants qui sont des personnalités influentes, introduites au sein des autorités communales et de la wilaya. Je ne leur en veux pas. Ce ne sont pas des hommes instruits mais qui protégeaient à bras le corps ce secret de viols.

         Cependant, le projet de colloque national est toujours d’actualité. Je souhaite l’organiser à la wilaya de Naama dont les autorités locales m’ont toujours présenté leur soutien.

         Pour finir, je ferai un bref résumé du procès des insurgés de Margueritte

            Instruction judiciaire Blida :

              Maxime Pheline, l’arrière-grand-père de l’auteur Christian Pheline qui cherchait à le disculper, a été nommé en cette qualité sur la proposition du parti colonial dont il subissait l’influence conséquemment. L’enquête commença le 28 avril et s’acheva le 14 juin. Au 1er mai, 101 suspects étaient incarcérés à la prison de Blida. Au 1er juin, 179 étaient  inculpés. Le juge  d’instruction, malade, est remplacé par le juge d’instruction Marneur.  Le procureur de la république Poinsier donna  non-lieu pour 13 suspects et maintient 166. La chambre d’accusation d’Alger reprend l’instruction et donne non-lieu pour 63 suspects et décide le renvoi de 125 inculpés. 

              Dès le début du mois de mai, la liste des jurés était établie par la commission siégeant à la cour d’assises d’Alger. Elle comprenait 24 titulaires et 10 suppléants, tous des Européens. Ils étaient appelés à siéger à la session d’assises prévue pour le 12 du même mois, sous la présidence du conseiller à la cour M. Andrée De Réonard, assisté de deux conseillers Cardot et de Grozart. Le 4 janvier 1902, les 125 inculpés sont transférés à la prison Barberousse Alger. Au début de mai 1902, la liste des jurés est établie, elle comprend 24 titulaires et 10 suppléants, tous des Européens.  Ils doivent siéger le 12 du même mois en cour d’assises. Le conseiller André de Réonard est désigné président de la cour d’assises, assisté de deux conseillers,  Cardot et Grozard.

              Défense  

              Maitre L’ Admiral  dépose un mémorandum pour demander la délocalisation du procès vers une cour d’assises en France. Il savait que les colons exigeaient la pendaison des 125 insurgés sur la place publique sans aucune forme de procès. Le 12 avril 1902, La délocalisation du procès est acquise, d’où indignation du parti colonial. C’est désormais un procès métropolitain qui obéit aux règles du droit et de procédure. La cour de cassation confia l’affaire à la cour de l’Héraut, Montpellier.

             Transfèrement à la prison de Montpellier

             Avant le transfèrement des prisonniers en France, un bilan sanitaire a été établi. Il révèle que le nombre de décès dans les prisons algériennes était de 16  dont deux à la prison Poinsier de Blida et de quatorze autres à celle de Barberousse Alger. Ils sont désormais 107 accusés. Ils sont transférés à Montpellier le 20 novembre 1902, après 18 mois de détention dans les geôles algériennes. C’est le mois de ramadhan. Le président, M. Rouquet, le juge d’instruction, M. Fresquet et le procureur de la République M. Giraud les attendent. Les prisonniers franchissent la porte d’entrée par file de quatre personnes. À midi, la porte se referme sur les accusés. Aussitôt, le repas chaud leur est servi.

                Le substitut du procureur général, M. Vincent, leur rend également visite. Puis ce fut au tour du Secrétaire général de la préfecture, M. Duponteil, et le chef du cabinet du préfet, M. Arnaud. Leur visite devait nécessairement être sanctionnée par un rapport destiné au ministère de l’Intérieur, Président du Conseil, M. Waldeck-Rousseau.

              Cour d’assises de Montpellier président Rouquet               

              La cour d’assises ouvre la session criminelle le 15 septembre 1902. Le procès s’ouvrit le 15 décembre 1902, sous la présidence du conseiller Rouquet, en même temps président de la cour d’assises. Il était assisté de deux assesseurs Weyer et Moudet. Deux autres assesseurs suppléants leur sont adjoints sans droit à la parole, sauf en, cas d’empêchement d’un titulaire, alors ils prennent part aux délibérations.  

               Le procureur général Laffon voulait des têtes. Il était assisté par ses adjoints.  

               La colonie était aussi présente. Le gouverneur général avait tout fait pour être partie au procès. Il était représenté par le chef de service Luiciani qui pendant les débats justifiait les séquestres et les ventes par licitation comme mesures légales. Il tentait de couvrir les exactions commises sur cette tribu Righa en Algérie et il qualifiait les insurgés de fanatiques.

              Le jury était constitué après une large consultation. Ils étaient 12 membres dont le chef des jurés, M Jean Paul-Marie Plagnot.  

                 Des dizaines de journaliste couvraient le procès. De grandes personnalités étaient présentes politiques et intellectuelles. La salle était archi comble par le public. Des hommes et des femmes témoignaient leur sympathie aux prisonniers. Des dames leur payaient les honoraires d’avocats, leur emmenaient des repas et des vêtements à la prison.

                 Le verdict

Les débats durèrent 40 jours et le huit février 1902 le verdict tombait. Il était plus ou moins clément. Car, aucune peine capitale n’avait rendue. 

Travaux forcés à perpétuité

  1. Yakoub Mohamed Ben elhadj Ahmed    (accusé n °1)
  2. Taalibi elhadj Ben Aicha                         (accusé n° 2)
  3. Bourkiza Mohamed Ben Sadok               (accusé n° 3)
  4. Abdallah El Hirtsi Mhamed                      (accusé n° 5)

                    Travaux forcés à temps limité

  1. Taalibi Miloud Ben elhadj Djilali (accusé n° 4) : 15 ans de travaux forcés et d’interdiction de séjour.
  2. Hammadi MohamedBen Tifouri (accusé n° 20) 7 ans de travaux forcés et 5 ans d’interdiction de séjour.
  3. Abdallah Otmane Ben elhadj Mohamed (accusé n° 21) 5 ans de travaux forcés et 5 ans d’interdiction de séjour.
  4. Ben Youcef Salem Ben Salem (accusé n °18) 5 ans de travaux forcés et 5 ans d’interdiction de séjour.
  5. Bouaziz Mohamed Ben Youcef (accusé n° 53) 5 ans de travaux forcés et 5 ans d’interdiction de séjour.
  6. Hammadi Mohamed Ben Amar (accusé n° 17) 5 ans de travaux forcés et 5 ans d’interdiction de séjour.
  7. Hennour Kouider Ben Aissa (accusé n ° 12) 6 ans de travaux forcés et 5 ans d’interdiction de séjour.
  8. Amar Ostmane Abdelkader (accusé n° 49) 5 ans de travaux forcés et 5 ans d’interdiction de séjour.
  9. Couchi Said Ben Mokhtar, qui est condamné à sept ans de travaux forcés et de cinq ans d’interdiction de séjour

                  Réclusion et interdiction de séjour   

  1. Hennour BenAmra (accusé n° 10) 5 ans de réclusion et 5 ans d’interdiction de séjour.
  2. Benhannour Abdallah Ben Djilali (accusé n° 11) 5 ans de réclusion et 5 ans d’interdiction de séjour

                  Réclusion    

  1. Zerdi Ben Youcef (accusé n ° 19) 2 ans de prison
  2. Iddi Ben Ahmed (accusé n° 24) 2 ans de prison
  3. Mohamed Djillali (accusé n° 28) 2 ans de prison
  4. Meziane Amar Djillali (accusé n° 56) 2 ans de prison 

                        Interdiction de séjour

  1. Mohamed Otsman Abdelkader Ben Mohamed (accusé n °6) 5 ans d’interdiction de séjour
  2. Ben Amar Abdelkader Ben Yahia (accusé n° 7) 5 ans d’interdiction de séjour
  3. Bourkiza ElHabib (accusé n° 66) 5 ans d’interdiction de séjour   

                 Maison de correction

Couchih Mohamed (accusé n° 15) sera enfermé dans une maison de correction jusqu’à l’âge de 20 ans. 

 

                

            

            

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