Chaque poète a sa galerie de femmes qui l’admirent, suivent son parcours littéraire, espèrent accéder à ses faveurs, glaner un compliment, un hymne. Pour arriver à leurs fins, avouées ou inavouées, elles s’ingénient dans l’art de la séduction qu’elles mettent en œuvre par des mots suspects, jamais innocents, des mots qui disent long sur les secrets de leurs cœurs. Elles sont belles, jolies, élégantes, délicates, romantiques, sensuelles. Elles sont blondes, brunes, rousses, toujours conquérantes. Elles sont de toutes les classes et de tous âges. Mariées, célibataires, professeurs, de la noblesse, comtesse. Je n dirai pas que c’est un harem, mais c’est tout comme.
Crois-moi, il mène une lutte à tout moment pour rester dans la limite de la bienséance avec elles, c’est à dire courtois, communicatif avec le peu qu’il juge nécessaire pour celle-ci ou l’autre. Avoue, mon Aphrodite que cet exercice est assez complexe, périlleux en amour, soudoyant même. Comme il n’a qu’un seul cœur, il ne peut pas le donner à toutes ses admiratrices. C’est son unique brise-vent à tous les souffles d’amour qu’elles éventent. Et ce cœur, mon cœur, c’est toi qui l’as conquis durablement, je dis bien durablement. Oui, je ne crois pas qu’un jour j’aimerai une autre femme que toi parmi toute cette pépinière florissante ou encore n dehors d’elle. Je t’ai chantée en vers, en prose et là, je t’ai dit combien mon amour pour toi est immense, ardent, sulfureux éternel. Ces chants avaient émerveillé les admiratrices dont certaines avaient exprimé leur jalousie franche pour certaines, voile pour d’autres.
Je consens que cette même jalousie t’habite, une preuve tangible de ton amour pour moi, certainement. Mais elle te conduit irrémédiablement au doute. Or le doute existe dans sa nature au fond de chaque être. Mais un doute sans preuve ne l’est guère et point n’est admis. Doute que le soleil se lève à l’est, que la lune apparaisse la nuit, que le volcan actif rugisse, mais ne doute jamais de mon amour. Mais pense à ce doute qui est par essence ruineux, destructible pour notre amour. Le tien n’est point fondé, c’est tout au plus une auto suggestion qui n’existe que dans ton esprit. Me reprocherais-tu mon art quand il rend hymne à d’autres femmes ? Alors je ne serai plus poète qui est homme public dont les œuvres ne lui appartiennent plus, mais appartiennent à la postérité. Toi-même tu es artiste et tu comprends absolument ces choses ; tu n’as besoin que je t’en fasse des cours. Deux textes exempts d’amour sont à l’origine de ton doute : une nouvelle et un poème portrait. E n’est pas raisonnable du tout de douter de mon amour ; car en fait c’est seulement un petit nuage sans pluie qui est passé. Sais-tu seulement que le doute est l’ennemi de l’amour ?
« Il n’en faut pas douter, l’amour est un mystère inexplicable. Alfred de Musset. » De cette citation, tu vois bien que le poète souffre du doute que son amante s’approprie.
« Quand on aime, on doute souvent de ce que l’on croit le plus. » La Rochefoucauld. Le maitre semble te donner raison par le seul fait que tu aimes, donc il t’est possible de douter. Mais encore faut-il que ce doute soit fondé. Or il ne l’est pas.
Déjà, je suis au banc des accusés. Pourtant mes preuves d’amour sont multiples et variées. Je t’ai aimée de toutes mes fibres, un amoureux fou que raison déserte quand tu es avec moi. Mais je t’aime et tu le sais fort bien, je t’aimerai toujours, là encore, tu le sais parfaitement. Alors fais appel à ta raison, fais triompher