Epilogue
Il était naturel et même nécessaire que mon œuvre Margueritte fût revisitée, dix ans après sa publication. En effet, la première édition de 2008 et 2009 était pionnière, dans le sens où elle avait présenté pour la première fois au lecteur l’histoire de l’insurrection de Margueritte ou des Righa du 26 avril 1901. Elle fut de courte durée. Néanmoins, elle avait défrayé la chronique en son temps, suscité la mobilisation de l’opinion publique et de la presse métropolitaines. Elle avait également marqué les annales judiciaires et exercé un fort impact sur la politique coloniale. Pourtant elle demeurait inconnue même à notre époque contemporaine. La documentation empruntée à l’œuvre historique monumentale de Robert Charles-Ageron ‘ Les Algériens musulmans et la France 1871-1919’, qui était une étude globale de l’Algérie coloniale dans tous les segments de la société, avait donné un exposé d’ordre général sur les véritables motivations de l’insurrection, son propre déroulement et ses retombées politiques et pénales. Au premier tome, l’avant-propos avait mis en exergue son immense travail de dissection de la politique coloniale en Algérie et dont s’est inspirée mon œuvre propre Margueritte.
Pour combler ce vide, j’ai eu recours à la chronique inestimable de Laadi Flicy ‘ Qui se souvient de Margueritte’, dans laquelle il avait rapporté toutes les audiences du procès de Margueritte à la cour d’assises de l’Hérault du 15 décembre 1902 au 8 février 1903. Cette documentation m’avait permis de reconstituer l’insurrection, selon les déclarations des uns et des autres au niveau des interrogatoires au procès. C’était le seul texte de référence sur cette insurrection, qui s’étant déroulée en Algérie, aurait du être jugée par la cour d’assises d’Alger. Dans ce cas cette juridiction aurait prononcé des condamnations massives à la peine de mort pour tous les 127 prévenus, d’autant plus que l’opinion publique coloniale exigeait leur pendaison pure et simple. Or, un avocat, Maitre L’Admiral, un Guadeloupéen, avait complètement mis en échec ce scénario. Il avait demandé à la Cour de cassation de Paris la délocalisation du procès en Métropole, suivant un mémorandum motivé dans le sens suscité.
Les deux textes ne m’avaient pas cependant permis d’aller au fond des choses et de donner plus de détails sur l’affaire Margueritte. En effet, les auteurs français ne s’y étaient pas intéressés en leur temps, ni d’ailleurs par les auteurs algériens pendant l’Algérie indépendante. Elle était restée totalement inconnue au large public, jusqu’à la parution de mon œuvre Margueritte en deux tomes. Elle a eu l’honneur de faire l’objet de la critique en en février 2012 sous la plume d’un auteur Français, Christian Pheline.
L’essai historique ‘l’aube d’une révolution’ Margueritte 26 avril 1901, de l’auteur Christian Pheline a apporté de nouveaux éclairages sur l’affaire Margueritte, au niveau de l’instruction préparatoire dont son arrière grand-père était juge d’instruction à Blida au moment de l’insurrection. Ce sentiment d’affection a poussé apparemment mon critique à publier son ouvrage dans lequel il m’a consacré plusieurs pages et j’en suis honoré et reconnaissant. Il a eu l’opportunité de consulter les archives de la cour d’assises de Montpellier et de ce fait, il a présenté un exposé sur les conditions carcérales des insurgés en Algérie et en France, ainsi que sur les forces énormes militaires déployées pour les grandes battues qui avaient été opérées pour la traque des insurgés dans les forêts.
Le travail de Christian Pheline est fort intéressant et ouvre des pistes de recherches plus approfondies, sans nul doute. Néanmoins, l’auteur a oublié ou méconnu des données qui sont essentielles et qu’aucun auteur ne puisse passer sous silence. En effet, il s’agissait des vies humaines. C’est ainsi qu’il n’a pas révélé les quatre décès, survenus à la prison de Montpellier. Pourtant ces prévenus furent appelés à la barre alors qu’ils étaient décédés. L’auteur Laadi Flicy les a cités dans sa chronique, hélas sous leur numéro d’incarcération. Car, il ne disposait pas de leurs filiations. Ils étaient les numéros : 77 ; 118 ; 69 ; 71. L’essayiste, Christian Pheline n’a pas non plus révélé les trois décès, survenus à la prison centrale de Saint-Martin de Ré, appelée communément le dépôt bagne. C’étaient les braves : Bouaziz Mohamed Beyoucef ; Abdellah Otman ; Benyoucef Salem.
Pour conclure, je rends hommage aux insurgés, aux martyrs, à l’avocat, Maitre L’Admiral, ainsi qu’aux auteurs qui ont œuvré pour que leur mémoire reste vivante et ne tombe pas dans l’oubli. Je formule mon souhait pour que le travail de recherche se poursuive par des auteurs, des universitaires. En effet, il reste encore des zones d’ombre à dévoiler.
Ahmed Bencherif