Commémoration d’Isabelle Eberhardt
27 octobre 2018 Maison Culture
Aionsefra
Perception de l’engagement intellectuel d’Isabelle Eberhardt
Résumé conférence donnée au colloque 09/10/2018
Bibliothèque Hamma Alger
Préambule
Haïr sans raison, c’est avoir une âme corrompue sans perspective pour cette haine de s’éteindre. Celle-ci trouve son espace nourricier chez l’intellectuel frappé d’aveuglement intellectuel, qui se suffit de déductions et de suppositions et s’emploie à semer la suspicion, alors qu’il doit fournir des preuves irréfutables pour sa propre survie en tant que tel et tout simplement pour sauvegarder sa crédibilité en tant qu’individu. Ces sentiments se retrouvent chez la plus part des détracteurs d’Isabelle Eberhardt qui lui reprochent d’avoir raté sa chance d’être un intellectuel engagé. Notre étude définit ce que c’est que l’engagement dans son contexte historique, pour mieux comprendre sa dimension dans le temps et donc disposer de données d’appréciation sur la question d’engagement intellectuel d’isabelle Eberhardt.
Engagement de l’intellectuel
L’engagement intellectuel se définit, pour les existentialistes, comme l’acte par lequel l’intellectuel ou l’écrivain assume les valeurs et donne, grâce à ce libre choix, un sens à son existence. C’est sa raison de vivre, son combat de tous les jours. La société attend son avis autorisé sur telle ou telle question. Il en prend fait et cause et fait connaitre sans hésitation ni ambigüités sa position. Car il est pour tant d’autres une référence, une autorité, certes morale mais qui a son poids. C’est le fait de prendre parti sur les problèmes de la société et par son action et ses discours. Qu’en est-il à la fin du 19ème siècle où Isabelle Eberhardt faisait son premier pas littéraire, toute jeune encore, à la fleur de l’âge, où l’on pense insouciance et amours et rien de plus ? Une jeune fille durement éprouvée par la vie, en quête de survie permanente, une étrangère suisse, devenue française par les liens du mariage avec un auxiliaire de l’armée française, une musulmane convertie de fraiche date, une femme libre et évoluant au milieu des hommes, une écrivaine attirée par le voyage, l’errance ou précisément une vagabonde mystique.
Etre écrivain, c’était pratiquer le métier de l’écriture et rien de plus. Ces écrivains vivaient en chambre et n’intervenaient pas dans la vie publique qui, elle, était réservée aux hommes politiques. Le concept d’intellectuel n’existait pas. On parlait d’écrivains, comme on parlait de philosophes sans qu’ils eussent exercé d’influence. Jean Paul Sartre se révèle comme écrivain engagé dans l’action militante et fonde avec Merleau-Ponty « Socialisme et Liberté », à Paris au début de 1941, groupe intellectuel de résistants. Il écrit sa pièce : Les Mouches. L’objectif est de sensibiliser les Français de la responsabilité de leur condition, de la nécessité pour chacun d’eux d’assumer le destin collectif et du devoir de s’engager dans la lutte présente comme seul acte de liberté possible. Il s’engage à toutes les manifestations contre l’exploitation et la répression.
I Le courant des idées
Mouvement des Jeunes Algériens
Ce mouvement apparait vers 1900, des Jeunes musulmans modernistes et francisés, soucieux des réformes. Un mémoire fut présenté le 30 juin 1900 à Bône par un groupe de jeunes musulmans ayant reçu une certaine éducation française. Ils réclamèrent le droit de vote privilégié à une catégorie de lettrés négociants industriels patentés. En 1901, il fut apparenté au parti jeune-turc et tentait d’accommoder l’islam à la civilisation européenne, à mettre en harmonie la tradition et le dogme, à interpréter le Coran rationnellement, ils avaient la sympathie d’une partie de l’opinion française qui le qualifiait de libéral ou encore laïc même la presse dont le Temps leur vouait fort sympathie.
L’hebdomadaire Al Akhbar est créé en 1903 par Barrucand ; le mouvement jeune algérien crée son propre organe de presse à Oran en juin 1904 par un instituteur tlemcenien, hebdomadaire qui se voulait trait d’union entre Français et Arabes. Cette élite se voulait pédagogue pour instruire la masse indigène ignorante sur les bienfaits de l’instruction et les idées émancipatrices françaises.
L’opinion traditionnelle ou les Vieux Turbans
Farouche attachement à l’islam, la sharia, toutes innovations étaient blâmables, coupables d’hérésie. Ils rejetaient systématiquement en bloc tout ce qui venait du conquérant, par crainte de perdre leur identité leur religion ; ils voyaient les jeunes Algériens comme des fils égarés ; ils refusaient la circonscription, voire l’instruction ; donc ils se retranchaient dans les principes fondamentaux du rite malékite et croyaient à l’avènement du mahdi, le libérateur et réformateur. L’espérance pour s’affranchir du joug colonial était aussi indestructible ; on y voyait alors cette fameuse persévérance le sabre religieux vivant dans la société indigène. Mais ce sentiment était un sentiment de résistance de tout un peuple. Tous contre la naturalisation. L’islam était donc le dernier rempart qui restait à ce peuple dominé mais insoumis.
Puissance du parti colonial
Ismail Urbain est l’homme d’une idée, d’une politique sur la question indigène. Sa théorie consistait à faire évoluer les Musulmans français pour se les concilier définitivement. Il fut l’apôtre d’une Algérie franco-musulmane. Enfant illégitime et mulâtre, il en porta toute sa vie la blessure, la cachant soigneusement, vivant presque dans la réclusion et sans ambition carriériste, par peur de s’expliquer sur sa naissance Souvent d’illustres hommes politiques, militaires ou de lettres lui rendirent hommage et en furent peu ou prou inspirés. C’est ainsi qu’il fut de : Albin Rozet, Victor Barrucand, le maréchal Lyautey, vers la fin du 19ème siècle.
Victor Barrucand n’en partageait pas la théorie. Il voulait l’allègement du code de l’indigénat pas sa suppression. Il écrivit au gouverneur général Jonnart pour alléger le code indigène : « A tort ou à raison, notre système algérien est basé sur l’administration. Qu’elle soit donc comme un miroir placé à mi-chemin ; impressionné par la clarté nationale, il saura le transmettre sous l’angle nécessaire. » La loi sur la séparation des congrégations de 1904 et 1905 allait encore créer des remous politiques. Barrucand y vit une probable mesure de libération du culte à condition de lui restituer les biens Hobous. En effet le clergé musulman hiérarchisé était rémunéré par le budget de l’état, alors qu’avant la colonisation il était pris en charge par chaque collectivité. Ce fut alors une occasion pour les Musulmans de revendiquer en permanence ces biens.
Vers 1900, la politique d’assimilation, tant idéalisée et tant évertuée, montre les limites dans son application. C’était l’impossible fusion qui se mit au grand jour : comment transformer un peuple de croyants en libres penseurs, buveurs de vins ? Les théoriciens semblent bien convaincus de cette voie, combattue et par les colons et par les Indigènes. V. Barrucand rejette cette assimilation, il est donc comme tout le monde et ne veut gêner personne. Mais la nouvelle politique adaptée aux indigènes qui veut rapprocher l’indigène dans son propre mode de gouvernance. C’est en somme l’évolution des Musulmans dans leur civilisation. Cette voie est condamnée, combattue par la bourgeoisie métropolitaine, alors que la gauche la voulait.
Eléments biographiques d’Isabelle Eberhardt.
La tentative de son assassinat du 29 janvier 1901 à Behima (El Oued ) ne semble pas du tout apitoyer l’autorité militaire sur le sort d’Isabelle Eberhardt qui fut agressée par Abdallah Ben Si Mohamed Ben Lakhdar affilié à la zaouïaTidjaniya, alors qu’elle était aux cotés de si El Hachemi, chef religieux de la Qadiriya qui se rendait à Tunis pour assister à une commémoration funèbre de son père. Elle en fut grièvement blessée et il fallait l’hospitaliser pour lui prodiguer les soins. Cependant les structures sanitaires disponibles étaient exclusivement militaires et il était interdit d’y admettre des femmes. Néanmoins, l’humanisme inhérent à la médecine cherche un compromis et l’installe dans la buanderie de l’infirmerie militaire, en face de la buanderie, avec mention sur la porte salle des isolés.
Voici ce qu’écrivit, à ce propos, la grande biographe Edmonde Charles-Roux : « Il n’y avait pas de place pour les femmes dans les hôpitaux militaires. La blessée Eberhardt posait problème. Où la mettre ? Elle fut installée en face de la buanderie. Sur la porte de sa chambre, on lisait : “Salle des isolés”
Bien plus, cette tentative d’assassinat aggrava l’hostilité des colons à l’égard d’Isabelle Eberhardt et compliqua sérieusement son séjour en Algérie, comme persona non grata. En effet, elle faisait l’objet d’une enquête d’information militaire, diligentée par le capitaine Cauvet, sur la base d’une dénonciation par lettre anonyme que l’écrivaine était accusée d’espionnage, d’empoisonnement, de vol et d’opportunisme de sa foi religieuse dans le but de conspirer contre la France. Le commandant du cercle de Touggourt transmet à sa hiérarchie son rapport, pris sur la base de l’enquête du capitaine Cauvet. Voici ce qu’il écrivt :
« La lettre (d’accusation) était une vengeance personnelle et si les autorités considéraient Eberhardt comme une névrosée et une détraquée venue satisfaire ses penchants vicieux et son goût pour les indigènes, rien jusqu’à présent dans ses agissements ne m’a paru répréhensible et de nature à instruire des mesures de rigueur à son égard ».
Isabelle Eberhardt pardonna à son agresseur. Pourtant le dommage corporel de ses blessures était important, comme le confirme le constat du médecin militaire Léon Taste :
Le jugement est rendu le 18 juin 1901 par la cour de Constantine. Son agresseur est condamné. Personnage indésirable, Isabelle Eberhardt fiat l’objet d’une décision administrative d’expulsion. Elle regagne Marseille déguisée et méconnaissable. Slimane Henni le 17 octobre 1901 la rejoint et tous deux y célèbrent leur mariage. Cette union lui donne la citoyenneté française qui lui permet de rentrer en Algérie avec son mari.
Tous les écrits d’Isabelle Eberhardt sont marqués d’humanisme. C’est là un consensus que font ses biographes, ses critiques, ses lecteurs. Oui elle a conté la misère du peuple indigène, les exactions du pouvoir colonial, la tyrannie des militaires français qui faisaient de l’amour avec la femme indigène un passe-temps, passe-temps qui arrivait jusqu’au viol et les victimes étaient livrées à leur sort, à l’exclusion, au suicide. C’est Isabelle Eberhardt qui intègre pour la première fois le peuple indigène en littérature et que le lecteur universel avait commencé à connaitre.
Cet humanisme est-il réducteur ? Mais non. L’humanisme est porteur du drame humain, véhicule des valeurs universelles pour le bien de la terre et des hommes. C’est plus qu’une philosophie. C’est un mouvement fédérateur des esprits animés par la confiance en l’homme et la recherche de son progrès, sur la base des observations sur les mœurs et les pays. Donc Isabelle Eberhardt décrit bien sa nouvelle patrie, son nouveau peuple. Elle raconte la misère de ce peuple indigène privé de pain, d’instruction, de terres agricoles, les exactions qu’il subit dans son quotidien. Elle va également milité pour que ce peuple indigène ouvre sa marche vers le progrès. Elle a également contribué à ouvrir une école d’apprentissage pour les filles.
Cependant Isabelle Eberhardt n’en restera pas au stade de l’humanisme. L’affaire de Margueritte allait lui fournir la matière à réflexion. Elle formula deux opinions contradictoires. Si la première nous surprend, la seconde traduit expressément son sa vraie nature.
Parmi ces voix, on retrouve celle d’Isabelle Eberhardt, alors expulsée d’Algérie, dans une lettre adressée à son mari Slimane El Heni le 27 juillet 1901 qi disait :
« On ne voit dans la « funeste affaire de Margueritte » que l’une des révoltes inutiles, sanglantes et servant seulement d’armes aux ennemis de tout ce qui est arabe, ou propres à décourager « les Français honnêtes qui veulent aider nos frères »
Isabelle Eberhardt s’insurge en elle-même. En effet, quinze mois après cette citation rapportée plus haut, nous découvrons sa vraie nature, nature rebelle, combattante. Elle se forgea alors une autre opinion, elle acquit une nouvelle aptitude. L’affaire Margueritte incarne pour elle son engagement sans équivoque pour la défense des Indigènes. Elle unit la parole de l’intellectuel à l’action du combattant. Je ne voudrais pas anticiper, mais je dirai juste que sa volonté dans l’engagement de l’intellectuel précéda toute la théorie de Jean-Paul Sartre. En effet, ce qu’elle écrivit est une grande avancée à cette époque où la contestation de l’indigène ne s’exprimait que par la voie des armes. Car la loi ne lui accordait guère le statut de citoyen et par conséquent tous les droits inhérents à cette qualité. Isabelle Eberhardt exprime donc sa pleine adhésion au processus de défense des insurgés. Dans mes ‘ Journaliers’ elle écrivit en date du 13 octobre 1903 :
« Peut-être cet hiver me faudra-t-il aller en France, pour cette très importante question de reportage sur les insurgés de Margueritte. Oh ! Si seulement, je pouvais dire tout ce que je sais, tout ce que je pense là-dessus, toute la vérité ! Quelle bonne œuvre qui, continuée, deviendrait féconde et qui, en même temps, me ferait un nom…Commencer ma carrière en me posant carrément en défenseur de mes frères, les musulmans d’Algérie, lettre Eugène Brieux ».
Une phrase retient évidemment notre attention : « Oh ! Si seulement, je pouvais dire tout ce que je sais, tout ce que je pense là-dessus, toute la vérité ! ». Tout ce nous pouvons comprendre c’est qu’Isabelle Eberhardt n’était pas libre de révéler les oppressions, les exactions, les vexations dont était victime la société indigène. Il ne pouvait pas non plus crier haut sa condamnation pour ce drame colonial basé sur l’exclusion, le séquestre, la dépossession, le rachat légal des terres confisquées. Comme elle ne pouvait pas révéler toute la vérité sur la descente aux enfers de tout un peuple privé des droits de l’homme les plus élémentaires. Quel était cet obstacle à toute son action militante ? Il faut savoir que le parti colonial était très puissant et réclamait toujours des terres agricoles, des pouvoirs, l’exclusion totale de l’indigène qu’il continuait à confiner dans l’ignorance et l’obscurantisme. Ce parti colonial était tellement puissant que tous les gouverneurs généraux, militaires ou civils, lui étaient inféodés.
La biographe, Annette Kobak, rapporte une citation d’Isabelle Eberhardt, infirmée cependant par le critique Mohamed Rochd, à propos d’une révolte qui s’était produite à Bône (Annaba). Elle nous montre Isabelle résolument engagée dans la révolution, si jamais celle-ci était déclenchée. La jeune écrivaine écrivit :
« Si la lutte devient inévitable, je n’hésiterai pas un seul instant, car ce serait une lâcheté. Et cela me fait sourire : comme jadis pour les anarchistes russes, je vais combattre, peut-être, pour les révolutionnaires musulmans…quoique avec plus de foi et de vraie haine pour l’oppression ».
Voilà son serment de foi de combattante. Ne sait-elle pas alors que, selon le Coran, est martyr, qui périt dans un champ de pour la cause de l’islam contre les infidèles qui se sont appropriés la terre d’islam ? Bien sûr qu’elle le sait et personnellement je trouve la citation de Annette Kobak tout à fait plausible. Néanmoins, je ne prétends nullement être un critique ou un biographe et mon ami Mohamed Rochd m’a suffisamment éclairé sur la position d’Isabelle Eberhardt sur l’affaire Margueritte dont j’ai écrit l’histoire. Evidemment, j’ai publié mon ouvrage réponse, regards critiques, à l’auteur Christian Pheline pour son essai historique l’aube d’une révolution Algérie Margueritte 26 avril 1901 et dans lequel j’ai cité la deuxième opinion d’Isabelle Eberhardt.
Quant au biographe, René-Louis Doyon, il conforte notre analyse qui met en évidence l’engagement de notre jeune écrivaine. Il écrit dans le même sujet de l’affaire Marguerite éléments biographiques qui sont dignes de la combattante :
« …Il est arrivé souvent que les vindictes religieuses des vaincus se ravivent et font naitre des séditions. Celle du petit village de Margueritte en fut une preuve ; Isabelle, toujours prête à défendre les plus pauvres de ses coreligionnaires, soutint la cause des séditieux. Comme il était périlleux de faire juger les coupables par les Algériens…et Isabelle faillit représenter Le Temps (journal de France) comme spécialiste des questions indigènes ; il s’en fallut d’un permis et de 500 francs pour qu’Isabelle rentrât aussitôt en rapport avec la presse parisienne ».
Mohamed Rochd nous signale que Doyon s’appuyait sur des correspondances et des papiers, rachetés par un beau- frère de Slimane ElHenni par un maire de Bône. Lui-même réfute en bloc toutes ces fabulations sur la condition d’espionne d’Isabelle Eberhardt et il est bien placé. Car il en est, aux côtés d’Edmonde Charles-Roux, le biographe le plus immense et le critique le plus attentif.
Voyons maintenant ce que dit l’auteur immense Edmonde Charles-Roux à propos de cette question d’espionnage. Dans son ouvrage majeur, elle réfute carrément ces fabulations. Une année après le centenaire d’Isabelle Eberhardt, Edmonde Charles-Roux est interviewée par le quotidien national ‘Liberté’, dans son édition du 11 janvier 1905, sous la plume du journaliste Tahar Houchi. Le journaliste pose crument la question :
« Isabelle espionne ? Le débat n’est pas encore tranché ?
Notre doyenne répond tout aussi crument :
« A l’époque où elle meurt, elle n’avait plus de dents, tant qu’elle vivait durement. Elle suivait les caravanes à pied, fumait le kif…C’est vraiment prendre les militaires pour des crétins, l’intelligent Lyautey de surcroit, de dire qu’ils ont une femme pareille pour une informatrice. On sait qu'elle n'est pas une femme de confiance. Elle était une raconteuse, on l’a dit à Lyautey ; ses traversées nocturnes, ses voyages dans le désert…Cela n’a rien à voir avec les rapports de police. C’est une accusation stupide, mensongère et sans fondement. C’est une méconnaissance de tout le milieu et une injure pour les mémoires de Lyautey et d’Isabelle ».
Une autre question du journaliste mérite d’être rapportée :
« L’authenticité des écrits d’Isabelle est aussi au cœur de la polémique ».
La réponse d’Edmonde est pertinente et met à nu toutes ces fabulations qui ont été tissées comme dans un métier à tisser :
« Vous avez tout à fait raison de faire allusion à un incident détestable relatif à sa première œuvre. Dans l’ombre chaude de l’islam, qui a paru sous l’initiative de Victor Barrucand qui s’est permis, par peur de l’opposition française à Isabelle, tat elle a été sévère au sujet de la présence française en Algérie, quelques changements. Barrucand s’est dit ‘si je donne le manuscrit in extenso, on aura une réaction française épouvantable. Nous dirons qu’il a fait le nettoyage. Il n’a pas ajouté des choses, il a transformé et neutralisé certaines choses. Je trouve cela important et très bon.
Toujours à propos des manuscrits, Edmonde dit en substance :
« On les a retrouvés tel quel avec des traces de sable dessus. C’est émouvant. On voit que tout va bien. Seul notre ami Mohamed Rochd, ayant remis en état les manuscrits d’Isabelle, est en mesure de soutenir le contraire. Il a fait un travail de moine. Il est magnifique ».
Cher monsieur,
Je reçois votre lettre du 11 mai dont je vous remercie. Ce que vous m’écrivez sur Isabelle Eberhardt me touche au plus profond de mon cœur. Ce sera avec joie que je me rendrai à votre colloque sur I. Eberhardt, si vous réussissez à le faire aboutir. Avec mes vœux et mes remerciements sincères.
Edmonde Charles-RouxAcadémie Goncourt
je vous remercie de votre atten tion
27 octobre 2019