P
Présentation analytique
de l’ouvrage
hé hé hé c’est moi qui l’ai tué
Vente dédicace
Au centre culturel de Méchéria
Samedi 20 avril 2013
Dans sa note de lecture, un internaute a vu deux modes d’écriture différenciables entre mon premier roman (Marguerite) et le second (Hé ! Hé ! Hé ! C’est moi qui l’ai tué). Effectivement, il y a une mutation entre le roman historique qu’est Marguerite et le roman de psychologie sociale qu’est le texte Hé hé hé c’est moi qui l’ai tué. Dans le premier, le personnage principal était un adolescent qui rêvait de gloire et de grandeur et qu’il fallait élever dans la trame narrative en respectant les actes et les paroles compatibles avec tout autre adolescent dans le monde. Dans le second, le personnage principal est un adulte qui a son comportement et sa personnalité propres. Un autre internaute a vu dans le second roman la ressuscitation de la mémoire collective de la ville natale de l’auteur, conscient du fait que celui-ci n’avait été ni témoin, ni acteur. Dans l’analyse de ces deux lecteurs, il existe une part de vérité.
Nous avons dit que le roman est classifié dans la psychologie sociale, c'est-à-dire qu’il procède tour à tour de psychologie et de sociologie. Ce mode d’écriture a été imposé par le sujet qui visait à ressusciter le quotidien d’une petite ville cosmopolite par ses diverses ethnies, ses confessions et le mode de vie de chacune d’elles, avec les inégalités sociales qui prévalaient. Donc c’est ici l’aspect sociologique Il a été également déterminé par le type de personnages qui évoluaient dans la trame narrative, selon leurs caractères, leurs motivations, leurs désirs, leurs frustrations. L’étude psychologique de ces personnages n’était pas aisée. Il fallait donc respecter la personnalité de chacun en fonction de ces critères énoncés. Ces personnages étaient des gens ordinaires qui appartenaient à la dernière hiérarchie sociale, qui ne possédaient ni charisme, ni force persuasive, afin de s’aventurer à la conquête d’un certain leadership. Malgré ces désavantages dont ils souffraient, il n’en demeure pas moins qu’ils incarnaient une symbolique et les gens recherchaient leur compagnie. Ils n’avaient rien à offrir, sauf leur verbe, leur humour, leurs facultés psychologiques atypiques. Chacun d’eux incarnaient un livre dont la lecture ne s’achevait jamais, tant le renouveau état chez eux assuré par leur propre génie.
Qui étaient ces personnages ? Ils étaient le maraudeur, le mythomane, le vaniteux, l’idiot, le pied-bot, le frappeur de l’œil, la libertine, c'est-à-dire les personnages d’un livre qui s’intéresse à l’étude psychologique de la littérature française classique du 19ème siècle. C’est dans cette pléiade qu’évoluait le personnage principal qui n’était autre que le vaniteux. Celui-ci avait son vis-à-vis en la personne du mythomane. La proximité entre les deux personnages était malgré tout accommodante. Elle s’imposait dans toutes les assemblées de loisirs que tenaient au quotidien tous ces personnages. Elle ne générait aucun ressentiment entre eux, ni jalousie, ni envie. Chacun se suffisait de lui-même et s’inquiétait de son propre aura sur ses spectateurs de bouffonnerie en plein air. Le vaniteux agit ; le mythomane délire dans son imaginaire et ses fabulations sont bien construites qu’il est difficile de les déceler.
Le contexte social avait pour espace dans la petite ville coloniale présaharienne, Ain-Sefra, dans laquelle écumait le nationalisme, après le long silence des armes qui avait suivi la longue insurrection de Bouamama. Des ethnies et des confessions cohabitaient dans leur quotidien dans leur quête permanente du pain, dans leur modestie, leur humeur, leurs désirs, leurs ambitions, loin cependant des frictions politiques qui engendrent irrémédiablement des antagonismes. Tout le monde connaissait tout le monde et personne ne possédait une fortune outrageante qui infailliblement aurait indisposé l’état d’esprit collectif et créé des animosités individuelles. Il n’existait pas de grands bourgeois dans cette petite ville et les petits bourgeois se comptaient sur le bout des doigts. Certes il existait des inégalités sociales, mais elles n’étaient pas criardes, loin d’être offensantes. L’on retient aussi que personne ne mourrait de faim, car chacun se débrouillait comme il pouvait pour gagner sa subsistance.
L’élément sociologique qui retient l’observateur se situe au niveau de la tolérance entre les individus, entre les religieux, entre ceux-ci et ceux-là. Il n’existait donc aucune secte religieuse chrétienne, ni mouvement salafiste musulman, encore moins des extrémistes juifs dont la communauté était négligeable en nombre. Les lieux du culte étaient ouverts pour leurs propres fidèles dont les prêtres, rabbin et imams officiaient leur ministère loin de tout prosélytisme. Les bars avaient aussi leurs fidèles de diverses ethnies et diverses confessions : Musulman, chrétien, juif faisaient la bringue à un même comptoir. La mosquée, l’école coranique, les taleb et les oulémas existaient aussi. Mais ils ne s’insurgeaient pas contre les buveurs de vin, les amateurs du vice, les quelques libertines appartenant à leur propre religion. Pourtant, l’islam orthodoxe malékite prédominait comme à son apparition au 8ème siècle de notre ère au grand Maghreb. Il faut dire aussi que la petite ville vivait dans un conservatisme collectif et que toute innovation pouvait offusquer le musulman, le chrétien ou le juif. Nous n’omettrons pas de dire ce même caractère tolérant régissait les écoles ecclésiastiques dont la plus importante, le lycée Institution Lavigerie, ou celle de sœurs blanches qui prodiguaient l’enseignement général ou artisanal.
Cette tolérance au niveau individuel s’illustrait dans la relation de la cité chérifienne avec son fils, le maraudeur, qui ne fut jamais inquiété, ni maltraité, ni matraqué pour ses maraudages de fruits et légumes, pour l’unique raison qu’il était handicapé physiquement et chef de famille nombreuse. C’est un exemple comme tant d’autres non cités qui illustraient la mutualité de la société colonisée face à ses moyes de subsistance très durs et quasiment incertains : les citadins gagnaient leur vie dans une agriculture vivrière ou dans quelques emplois de commis dans des administrations ou comme saisonniers dans des chantiers fortuits ; les autres, qui nomadisaient, tiraient leur subsistance de l’élevage.
La trame narrative évoluait autour du vaniteux, le dénommé Mohamed dont la personnalité psychologique force notre admiration dans sa simplicité, sa modestie, son air affable. Mais il n’était guère bouffon. Au contraire, il ordonnait bien sa vie, son jardin, ses heures de loisirs. Ce caractère vaniteux n’est pas spécial, exceptionnel à son propre psychique. Il est universel et a suscité l’intérêt des écrivains, des psychologues, des penseurs qui en étaient tantôt émerveillés, tantôt critiques négativement. Les citations anciennes ou contemporaines sur cette faculté mentale ont foisonné. Pour donner une définition plus ou moins rapprochée, la référence à la citation de l’écrivain belge Jean Mergeai : « L’orgueilleux se regarde dans un miroir, le vaniteux se contemple dans les yeux des autres ». On déduit qu’il existe un lien entre l’orgueil et la vanité. Celle-ci par conséquent végète en nous-même à divers degrés. L’écrivain français Alphonse Karr étaye ce postulat en disant : « La vanité est l’écume de l’orgueil ». Ainsi Friedrich Nietzsche conforte cette idée par sa citation : « La vanité d’autrui n’offense notre goût que lorsqu’elle choque notre propre vanité ». Marc Aurèle définit le vaniteux dans sa relation avec les autres : « Le vaniteux fait dépendre son propre bonheur de l’activité d’autrui ; le voluptueux de ses propres sensations et l’homme intelligent de ses propres actions ».
Le vaniteux cherche à se vanter sans justification aucune, il peut même mentir par pure prétention et il en est conscient, contrairement au mythomane dont les mensonges ne sont pas intentionnels. Il cherchera toujours à être encensé par une quelconque formulation sensée ou maladroite. Quant à l’orgueilleux, il méprise les éloges indélicats
Tous ces traits caractériels se retrouvent inclus dans la personnalité de Mohamed, le personnage central. Sa femme, Fatma, les connaît merveilleusement bien et sait les courtiser pour obtenir ce qu’elle désire, assouvir ses caprices. Elle ne manipule pas son mari, mais elle le gonfle et la mue caractérielle s’opère vite. Mohamed passe alors de l’état colérique à l’état bon enfant. Il lui achète les choses qui font plaisir à toute femme : foulard, petit flacon de parfum, produits de maquillage artisanaux, robes d’intérieur à bas prix. Il lui donne également l’argent pour aller au bain, remplir son devoir sociétal de congratulation aux naissances, baptêmes, mariage. Pourtant leur foyer vivait littéralement dans la précarité. Fatma l’appelle : « mon lion ». C’est parti : Mohamed rugit et s’apprête à aller en chasse pour rapporter la proie à sa compagne Fatma parvient à convaincre son mari pour lui acheter une nouvelle robe de valeur (QIMA), à l’occasion du mariage de son propre frère, malgré la précarité de leur subsistance. Mohamed fait alors la tournée des magasins de tissus pour l’acheter à crédit, sachant que le remboursement état vraiment aléatoire, ce que les marchands n’ignoraient pas et le renvoyaient sans façon. Là encore l’orgueil le sauva chez le dernier marchand qui l’offensa en présence du caïd, un parent de sa femme. Le caïd paya la robe et Mohamed repartit très heureux, comme peut l’être un enfant.
Le destin de Mohamed ne s’arrêta pas là. Son orgueil écuma et commença pour lui une longue histoire au bar. Il picolait presque tous les jours avec son ami Brahim qui en courtisait également la vanité de façon magistrale pour économiser ses sous. Au bar tout le monde venait des civils, des militaires, des brutes, des sages, des couples français, la libertine. Parmi ces buveurs invétérés, il y avait un tyranneau, le légionnaire Hans, à la taille d’un Hercule et au courage d’un félin. Il narguait tout le monde au bar, comme dans la rue, percutait celui-là, molestait un autre. Les gens le craignaient et l’évitaient. Même la police militaire ne l’inquiétait pas. Il était parvenu ainsi à être honni par les Arabes et les Français. Un soir de bringue, en rentrant à la caserne, il fut tué dans un bosquet de tamarix de l’oued.
Au bout de quelques jours, la gendarmerie fut dans l’impossibilité quête ne bloqua à identifier le coupable et ficela le dossier en accusant X. Mais le crime n’était pas crapuleux et les jours passants, il eut une certaine connotation nationaliste, car le nationalisme était en effervescence à Ain-Sefra, comme partout en Algérie. Le coupable anonyme fut tôt encensé par les Musulmans. Tout le monde en parlait, c’était le point du jour de tous les jours. Un matin, Mohamed se rend chez le chef de la commune mixte et lui déclare : « Hé ! Hé ! Hé ! C’est moi qui l’ai tué ». Il est embarqué, transféré au tribunal militaire d’Oran. Il écopa de cinq ans de prison et fut ramené par train jusqu’à Méchéria. De là, il fut transféré à la prison de Tabelbala, conduit par des cavaliers spahis. Il était vraiment glorieux de son exploit et les prisonniers l’admiraient, l’adulaient. Il purgea une année, quand le directeur de prison le convoqua et lui déclara placidement : « Mohamed, ce n’est pas toi le tueur. Tu es libre, rentre chez toi ».
Voil0 comment cet ouvrage rend hommage à des gens ordinaires qui avaient créé leurs propres légendes. C’est ce que vous découvrirez en le lisant et plusieurs fois en interpellant votre esprit critique comme le suggère l’internaute dans sa note de lecture.
Ahmed Bencherif, écrivain et poète
Auteur de :
- Marguerite tome 1 éditions Publibook0 Paris
- La grande ode poésie. éditions Publibook Paris
-Marguerite tome 2 éditions Edilivre Paris
- L’Odyssée poésie ; éditions Edilivre Paris
- Hé hé hé c’est moi qui l’ai tué drarou Constantine
A paraître :
Les odes de l’Amour poésie
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