Le disque s’achève et çà et là dans la salle des voix s’élèvent. Elles réclament la rediffusion, avec une grande insistance. Je vois certains hommes vider leurs verres d’un seul trait. Cette chanson fait un carton dans les bars de la ville. Les adorables Françaises l’adorent. Parfois, j’entends quelques unes en chanter des couplets. Un jour, j’avais été chargé d’acheter madame Marguerite des souvenirs au grand Magasin ‘Les Quatre Saisons ‘. Eh bien, j’y trouvé Sœur Catherine qui avait acheté le disque. Je lui avais dit bonjour ma Sœur en grand respect et immense estime. Elle m’avait répondu avec une grande humilité : « bonjour monsieur Larbi ».
De voix rauque altérée par l’alcool, Les buveurs crient de partout : « Garçon ». Il en est des lourdes, entrecoupées, graves ou brusques. Certains sont déjà ivres. Ils bégayent vraiment. Ils ne savent plus parler. Ils font trop de bruit. Je passe entre les tables, Je sers des bouteilles de bière, du vin, du Whisky. Leurs mots en français ou en arabe sont inaudibles. Qu’est-ce qu’ils racontent ? N’importe quoi ? Il est tard, il en est qui ronflent déjà sur la table, trop ivres, trop étourdis pour se tenir en place. Puis, je sers le buveur solitaire, un musulman au calme légendaire qui nous impressionne tous. on dirait que sa bière le détache du monde. S’il parle, il communique avec ses canettes.
Le patron s’énerve, remet le disque. Le silence revient par magie. Elle a du pouvoir cette chanson, elle plaisait même à une religieuse. Oh ! La pauvre ! L’année passée, au mois de juin, Sœur Catherine, alors âgée de quarante ans, s’était mariée avec un fils du bled, un musulman. Ce veuf quadragénaire, l’emmena en France pour demander sa main à ses parents. Je ne comprends pas comment il demande sa main, alors que le mariage a été officialisé par le cadi. Trop de bruit court à ce sujet. On dit que le cadi n’est pas habilité à officier un mariage entre un musulman et une Française et qu’il faut un juge français. Un mois après, le mari était revenu sans elle, en disant qu’elle avait été enlevée et il n’avait plus aucune nouvelle d’elle. Le mari se brancha rapidement avec la vie et il se remaria. La pauvre ! Elle vécut treize ans chez nous, comme l’ange. C’était la vertu, quasiment intégrée à la population. Elle avait l’amour du prochain immense.
( Soeur Catherine , du nom d'Andrée Lagrue, née en 1908 à Bolbec, le Havre, décédée à Paris en décembre 1989 ) il est temps de connaitre la vérité sur cette affaire. je souhaite de vous mes ams lecteurs de me fournir des renseignements si vous en av ez ou si vos pouvez en av oir, n'hésitez pas à faire vos démarche