- Le sémaphore du cap Spartel
La navigation en eaux territoriales marocaines manquait cruellement de sécurité dont les autorités n’envisageaient pas à la combler. Le gouvernement n’avait pratiquement pas d’infrastructure portuaire et ne possédait pas de flotte à proprement parler. Les armateurs conscients de cette lacune périlleuse avaient sans cesse réclamé l’établissement d’un sémaphore à proximité du phare érigé au cap Spartel. Il serait relié par télégraphe à Tanger et de là par câbles à l’Europe.
La Légation britannique se chargea de sa construction au nom du Llyod, qui était un établissement bancaire domicilié à la Bourse de Londres. Néanmoins, la France perçut danger que pourrait générer la possession du sémaphore par l’Angleterre en cas de guerre. Elle entra aussitôt en négociations avec Londres qui aboutissaient à un accord anglo-français le 27 janvier 1892. De ce fait, le sémaphore s’en trouva internationalisé. L’accord fut approuvé par les nations suivantes : la Russie, les Etats-Unis, la Grèce, l’Allemagne, l’Italie, la Hollande, la Belgique, le Brésil, le Danemark, la Suède, la Norvège, l’Espagne et le Portugal.
Le Gouvernement marocain notifia son adhésion à cette Convention au mois d’avril 1894. Ceci est une autre preuve de souveraineté limitée qu’exerçait son Etat sur son territoire. Toutes ces nations possédaient des privilèges quasiment imposés au sultan Abdelaziz dont les prérogatives de réglementer la navigation lui étaient dépossédées.
L’accord en question comprend sept articles comme suit :
« Article 1. Les agents diplomatiques et consulaires ont le droit d’inspecter le sémaphore, chaque fois qu’ils le jugent nécessaire.
Article 2. Chaque année le Llyod leur remettra un rapport sur le fonctionnement du sémaphore.
Article 3. En cas de naufrage ou d’accidents de mer, le Llyod préviendra par télégraphe le représentant de la puissance intéressée.
Article 4. Avant de mettre à exécution son règlement, le Llyod le soumettra aux représentants des puissances à Tanger. Les taxes seront les mêmes pour tous les navires.
Article 5. Dans le cas où la Compagnie du Llyod viendrait à changer le règlement, elle préviendrait les représentants étrangers.
Article 6. Le drapeau marocain se arboré sur le sémaphore qui sera gardé par des soldats marocains.
Article 7. En cas de guerre, à la demande de l’une des puissances intéressées, le sémaphore sera fermé ».
L’on remarque que l’Etat marocain n’exerçait nullement sa pleine souveraineté sur son territoire terrestre ou maritime. Plus que jamais, il subissait l’influence de toutes ces puissances et il ne parvenait pas à choisir en toute souveraineté ses amis et ses alliés. Il faut dire aussi que le sultan était assis sur une poudrière qui pouvait exploser à tout moment et emporter à jamais son sultanat. En effet, les deux tiers des populations mécontentes et dans un état de pauvreté extrême n’étaient pas soumises et remuaient sans cesse. Le sultan ne faisait aucun effort pour préserver son Etat des appétits des autres puissances. Peut-être qu’il ne savait même pas que son Etat était apte à être colonisé. D’un autre côté et sans le vouloir, il entrait dans la modernité sous tutelle bien sûr. Alors à qui aura été cette opportunité, tant que les puissances clé se livraient une guerre sourde pour contrôler ce pays.