La révolution pacifique et sa transition
La transition constitutionnelle, avec ses acteurs sclérosés juridiquement, se trouve dans l’impasse. Ni le gouvernement, ni le chef d’état par intérim, ne dispose de prérogatives pour répondre aux ordres plébiscités par le peuple, chaque vendredi par plus de 22 millions, et pendant les jours ouvrables par des corporations telles les étudiants, les avocats etc. A supposer qu’ils aient de bonnes intentions, ce qui est absolument incertain, ils sont immobilisés par l’article 102 qui fixe le délai d’organisation à 90 jours qui ne leur reconnait aucune compétence pour modifier les lois. La Constitution se trouve dès lors dans une situation inédite : il y a une révolution, elle est menée par le peuple. Chaque vendredi, des foules énormes marchent pacifiquement, à travers les villes, les bourgs et les villages du pays et notifient ses commandements, qui somment le système dégage autour des trois ou quatre B, lesquels incarnent le chef du gouvernement, le chef de l’état par intérim, le président du conseil constitutionnel qui a été poussé vers la sortie par la forte mobilisation citoyenne.
Souveraineté du peuple
Le peuple ordonne, l’Etat exécute. Il est le seul dépositaire de la souveraineté et quand il la réclame par des marches à la fois énormes et grandioses, le chef de l’Etat et son gouvernement doivent la remettre. le peuple ne tolère plus que le gouvernement continue à faire du mal, à gérer dans la mauvaise gouvernance, à jouir d’avantages et de privilèges extra légaux, à se prémunir de l’impunité, mettre en avant l’immunité, ou encore en votant des lois qui les placent dans une situation de non justiciables, à tel point que pendant presque 60 ans d’indépendance, aucun ministre n’a été jugé par un tribunal de première instance, encore moins par la cour suprême de justice habilitée à juger les membres du gouvernement. Face à toutes ces dérives, le peuple a ordonné la réappropriation de sa souveraineté. Il signifie ses ordres chaque vendredi par des manifestations pacifiques plus de 22 millions, soit l’équivalent du corps électoral et cela depuis déjà deux mois. Mais le chef d’état par intérim et son gouvernement s’obstinent à lui remettre les pouvoirs en vertu de l’article 7 de la constitution.
Le peuple ne reconnait plus le chef d’état par intérim et son chef du gouvernement, qui ne disposent d’aucune légitimité, ni même de légalité. En effet, notre régime est présidentiel et à partir du moment où la démission du président de la République a été actée par le conseil constitutionnel et le parlement, son gouvernement doit cesser de gouverner, vouloir être encore aux commandes est une insubordination au peuple.
La conjoncture se prévaut par deux acteurs clé qui sont le peuple et l’armée, seule force organisée qui reste debout. Elle constitue le rempart à toutes les dérives, à tous les dérapages. Elle veille au fonctionnement naturel des institutions. Elle protège les manifestants qui font preuve d’un civisme exemplaire et d’un mode pacifique extraordinaire qui ont émerveillé le monde. C’est entre ces deux pouvoirs que le dialogue se fait, l’armée par son chef d’état major, le peuple, en signifiant ses ordres chaque vendredi.
Sortir du cadre constitutionnel n’est pas nécessairement un coup de force contre la constitution. C’est une mesure exceptionnelle à une situation exceptionnelle. Car les dispositions juridiques de notre constitution ne prévoient pas ce cas de figure, soit une crise politique majeure que notre nation vit présentement : le peuple ordonne le gouvernement n’obéit pas. Donc il faut nécessairement un arbitre, en l’occurrence l’armée et donc toutes interprétations négatives de puissances occidentales dont la France pour prétendre que c’est un coup de force sont nulles et non avenues et rejetées en bloc et en détail par notre peuple solidaire de son armée, en toutes circonstances.
L’armée nationale populaire.
Notre armée est composée par les fils du peuple, toutes catégories confondues. Son idéologie est nationaliste, car elle est l’héritière de notre armée de libération nationale. Elle intervient directement dans le champ politique aux moments les plus périlleux de la nation. Néanmoins, elle s’est professionnalisée et s’est dotée d’armements qualitatifs et quantitatifs stratégiques et donc elle possède une place régionale incontournable.
Le peuple demande à son armée de l’accompagner dans la transition démocratique, qu’elle devra consolider car elle dispose de tous les moyens nécessaires. Elle est le seul recours pour dénouer la crise institutionnelle. Il demeure entendu que la transition démocratique ne se fera pas contre notre armée. Au contraire, elle la dotera de programmes conséquents et d’avantages à la mesure de son rang régional et de ses ambitions légitimes pour arriver à une puissance internationale. Elle doit accompagner le peuple. Elle l’a fait par le passé, elle doit le faire par le présent. Sauf que ce présent c’est le peuple en entier qui la mande à l’aider à réaliser son projet de société.
Les ordres du peuple
Ces commandements du peuple disent clairement que nous devons sortir du cadre de la constitution dont les dispositions juridiques n’attribuent ni les outils nécessaires ni la période transitoire pour mettre en application les injonctions du peuple. Le changement exigé trouve son illustration dans de nouvelles lois que ne peuvent opérer les acteurs transitoires de la vacance du pouvoir du président de la république sortant. Ces lois sont résolument révolutionnaires pour faire une deuxième ou une nouvelle république. Elles sont innovatrices, assurent l’égalité des chances, l’alternance démocratique, la transparence électorale, la sauvegarde des deniers publics, une nouvelle institution en charge des élections.
1. Une nouvelle loi électorale neutre qui ne favorise pas les partis au pouvoir, fixer de nouveau les règles d’éligibilité, fermer toute possibilité à la manipulation du vote.
2. Repenser la loi sur les partis, notamment en les amenant à s’autofinancer, en leur accordant exceptionnellement des subventions, interdire les transfuges quitte à bannir les contrevenants.
3. Il est plus qu’urgent de sauvegarder l’image symbolique du FLN, en le décrétant patrimoine national et donc en lui accordant la place qui lui revenait déjà en 1962 au musée de l’histoire en ce sens qu’il appartient à tout le peuple algérien qui saura toujours le glorifier, comme étant l’artisan politique de notre indépendance. Ses biens immobiliers attribués ou financés par l’Etat doivent reversés au Domaine national. Ses militants actuels devront créer un nouveau parti, abandonner le sigle FLN, penser une autre idéologie conforme aux constantes de la nation. La dissolution de l’UGTA s’impose aussi et son patrimoine doit être récupéré par l’Etat. A ce titre, il faut opter et généraliser le syndicaliste pluriel, comme c’est le cas déjà mais timidement.
4. La loi sur les associations devra leur accorder plus de liberté pour les évènements qu’elles organisent et non attendre la décision de l’administration à cet effet.
5. la loi créant la commission en charge des élections pour toutes les opérations de préparation, de déroulement et de proclamation des résultats. Elle aura son propre budget et son autonomie budgétaire, ainsi que ses propres démembrements.
6. revoir certains articles de la constitution pour élargir le champ des libertés publiques et individuelles, les conditions d’éligibilité aux instances locales, parlementaires, présidentielles, instaurer la séparation des pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire, équilibrer les pouvoirs entre le président de la République, le premier ministre ou le chef de gouvernement
L’acteur de la transition
1. Nomination d’un Président de l’Etat pour la durée de la transition, soit 9 mois. Il convient de porter le choix sur une personnalité nationale historique, après une consultation avec la classe politique, la société civile et des figures de la révolution pacifique. Il demeure entendu qu’il ne présentera pas à l’élection présidentielle. Il aura à accomplir une mission hautement nationale et veiller à exécuter la charge dont il est investi comme édicté dans l’avis constitutionnel. Il exercera le pouvoir réglementaire et législatif par voie d’ordonnance.
2. Nomination d’un gouvernement d’union nationale après des consultations avec la classe politique, la société civile, des représentants de la révolution pacifique. Les membres seront choisis parmi les compétences nationales, non affiliés à des partis politiques.
3. Nomination d’une commission nationale consultative au nombre de cent personnalités reconnues pour leur civisme et leur droiture. Elle sera essentiellement composée de juristes et aura à étudier les divers projets de loi.
Conclusion : pour mener à bien cette révolution, un avis constitutionnel devra être proclamé par l’armée, comme seule force organisée qui accompagnera la période transitoire révolutionnaire. Il comportera les points sus énoncés et désignera la période transitoire de 9 mois ainsi que le président de l’état, qui ne sera aucunement éligible à l’élection présidentielle. Le Président de l’Etat dissout le parlement et légifère par ordonnance.
Naama le 21 /04/2019
Ahmed Bencherif, écrivain
Auteur de Margueritte
http://bencherif.unblog.fr