Le régime du protectorat
La pacification du Maroc est exécutée en deux étapes, l’une militaire, l’autre politique. Le corps expéditionnaire est en charge à la périphérie. Quant aux missions politique, administrative et économique, elles sont menées dans les régions soumises. Elle est l’œuvre des fonctionnaires, de la population, des commerçants, colons, industriels. Son activité organise et stabilise le pays. Elle rend improbable le soulèvement là où l’ordre a succédé à l’anarchie, le labeur au pillage. Ainsi se développe par le bas, la collaboration de deux races qu’a sanctionnée la signature du traité de protectorat, le 30 mars 1912.
Le régime du protectorat a été appliqué par les Grecs, les Romains, hollandais, Anglais, puis les Français et leur protectorat de Tunisie qui était une réussite. Donc, il s’applique au Maroc en toute aisance.
Le Maroc a été coupé du monde extérieur au début du 17ème siècle, à la suite de l’expulsion des derniers Maures d’Espagne. Il a été incapable de se transformer et de s’ouvrir vers le monde extérieur. Il lui manquait la volonté, l’union, la discipline. C’est à la France qu’échoit la mission de reconstituer l’unité de l’Empire chérifien pour le conduire vers la voie du progrès. Ainsi, les races française et marocaine ne peuvent se passer l’une de l’autre. L’un et l’autre ont besoin du protectorat. La France juge utile de composer avec le régime existant, comme étant son propre intérêt. Elle trouve le protectorat plus adéquat à la colonisation. Car implanter un peuplement massif est impossible. La tâche du protectorat est complexe. C’est le néant absolu. Le sultan ne gouverne que sur la partie de son empire, gardée par les soldats français. Le vieil édifice de l’Etat marocain s’était effondré. Ce n’est pas seulement le Makhzen qui est tombé. Le Maroc est tombé en décadence depuis des siècles. La civilisation, l’art, les sciences, l’instruction, les métiers, ont subi une régression profonde. La France doit faire renaitre ce qui est mort. Il faut éviter la politique d’assimilation. Elle est vaine en terre d’islam.
Quel protectorat adopter ? le pays est en annexion déguisée ou le pouvoir local est indépendant ? Deux types de protectorat en Tunisie et au Maroc : la Tunisie avait évolué d’une province ottomane à un Etat indépendant. Pour le Maroc, la différence est de taille.
« le sultan du Maroc, descendant et successeur du prophète, à la fois chef spirituel et monarque temporel, appartient à la dynastie qui règne depuis trois siècles sur l’Empire ».
Chp6. Le Gouvernement marocain avant le protectorat
L’organisation administrative a fonctionné de tout temps sur deux principes : la souveraineté absolue du sultan et le fractionnement de la population en tribus. Il délègue ses pouvoirs à ses représentants au niveau des tribus et au niveau des villes.
- le caïd exerce son autorité sur les tribus. Il est chef de guerre, chef politique, exerce la justice pénale. Au nom du sultan, il est chargé de conduire les guerriers de sa tribu en campagne ; il recouvre l’impôt sur ses sujets.
- Le pacha ou le khalifa gouverne la ville
L’organisation du système judiciaire de l’Empire chérifien sur deux principes : les caids et les pachas s’occupent de la justice répressive. Ils mettaient en justice qui ils voulaient et libéraient contre une grosse rançon. Les cadis s’occupent du statut personnel, du commerce. Le pacha et le caid donnait un ordre verbal pour mettre en prison les sujets. Ils n’en conservent aucune trace,
La dynastie actuelle des Alaouite est de descendance chérifienne. Ils détiennent la baraka, la personne du sultan est sacrée.
Le sultan s’entoure d’un certain nombre de ministres. Leurs attributions sont mal définies. Le ministère est dépourvu de budget, de comptabilité, d’archives, de siège, de fonctionnaires. Le ministre a une chambre comme bureaux ; il se tient assis avec deux ou trois secrétaires. Les ministres sont peu payés ou ils ne le sont pas du tout. Très souvent, un vizir prenait de l’ascendant sur le sultan. Sa puissance est alors illimitée. Il gérait son secteur dans un climat d’intrigues de palais, coalitions de courtisans. La disgrâce est fatale. Il est destitué et tenu à l’éloignement. Ses biens sont confisqués et parfois il est emprisonné.