l'enlèvement d'Assia ou harem Soltane ahmed bencherif-

           Aux primes aurores, naissaient tous les jours les premiers bruits du douar, situé à vingt lieues de la côte à vol d’oiseau, perché sur le versant sud de la montagne, qui domine les immenses et généreuses plaines de la vallée du Chélif. Ils se propageaient distinctement au loin, poussés par le vent qui hululait. Les hommes et les femmes se réveillaient dans la pénombre, réglés comme une horloge par habitude. Ils dormaient tôt la nuit, se réveillaient tôt le jour. Rien ne pouvait les aider à veiller tardivement. Seuls, les nouvelles en assemblée et les contes en famille y avaient droit de cité et s’épuisaient vite. Il ne leur restait plus que le sommeil, suffisamment long, pour tuer le temps.

         Le douar comptait trois cents âmes. Une trentaine de gourbis le formait, disséminés sur le versant de la montagne, distants les uns des autres, au moins de cent mètres, tous construits en dur et à un seul  niveau, néanmoins fragiles et très peu résistants aux pluies diluviennes.  Il avait sa petite école coranique dont l’enseignant était originaire de l’ouest, que désertaient les garçons à la huitième année, pour entrer dans la vie active champêtre. Quant à la salle de prière, elle était inexistante. L’unique place centrale aménagée y suppléait. Comme partout ailleurs, un mausolée était édifié, à la mémoire du saint patron dont une fraction de la tribu descendait. Un bain thermale à proximité le privilégiait et drainait quelques malades souffrant de rhumatismes.        

               Les troupeaux partaient aux pacages, les bêtes serrées contre les autres. Ils étaient conduits par des adolescents vers la colline, accompagnés par leurs chiens. Leurs  cris  faisaient un bruit assourdissant, dans une totale confusion : les vaches mugissaient, les  brebis bêlaient, les chèvres chevrotaient, les ânes brayaient. Leurs pattes fendaient le sol asséché, depuis la dernière pluie du mois d’août et la canicule de l’été. Des tourbillons de poussière dansaient dans l’air qu’ils polluaient.       

              Dans son gourbi, Assia se réveilla, prit la boite d’allumettes posée à son chevet, en gratta une et alluma le quinquet, puis elle se tira promptement de son lit, comme une tigresse. C’était une jeune femme de vingt deux ans, mariée à un homme de sa tribu. Cette union avait été contractée huit années plus tôt, sans son consentement. A l’époque, elle s’y était farouchement opposée. Elle souhaitait partager la  vie d’un citadin. Son père partageait son appréhension. Mais sa mère imposa sa volonté de la marier à Moha. Le mariage fut célébré aux grands cris de youyou et de baroud, de la fantasia pendant une semaine. De cette union naquit une petite fille, chérie et adorée principalement par les femmes. Les hommes, surtout le père et le grand-père, désiraient plus que tout un garçon, c’est-à-dire des bras vaillants. Ils l’espérèrent tant à la deuxième grossesse. Hélas, Assia fit une fausse couche et fut frappée de stérilité.  

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