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regard critique de l'aube d'une révolution de C. Pheline ahmed bencherif

       Fernand Dulout, auteur d’un traité de législation coloniale reconnait déjà cette dualité de droits, cette spécificité du droit applicable à l’indigène. Il n’était pas seulement théoricien, mais aussi praticien. En effet, il avait été long temps président d’un tribunal répressif ou spécial, comme il plait à certains de le dire. Il résume, comme suit, toute cette théorie coloniale intéressée, n’ayant d’existence propre que pour asseoir la domination française :

  

        « On punissait des peines d’amendes des infractions qui n’étaient pas réprimées par le Droit Pénal français, disait Fernand Dulout dans son traité de législation coloniale ».  

      

         Dès les premières années de conquête, il était apparu urgent au conquérant français d’énumérer ces infractions, alors que la guerre battait ses grands tambours, en dehors de laquelle était affiché manifestement la volonté de réprimer tous les actes d’apparence séditieuse. Ces générations, qui avaient longtemps et durement résisté, n’avaient rien laissé au hasard pour empêcher la domination. C’était une période riche d’enseignements en voies et moyens pour contrecarrer le projet colonialiste de l’agresseur. Elle est cependant peu connue et gagnerait mieux à l’être pour transmettre ce legs fabuleux de ces générations combattantes éteintes. Le devoir de mémoire interpelle nos universités à ouvrir de grands chantiers pour ressusciter ce passé glorieux. En effet, il y aura beaucoup de choses à apprendre qui cimenteront l’unité nationale, enrichir et clore le débat sur l’identité nationale, voulu consciemment ou inconsciemment.        

         Le concepteur de ce dispositif répressif extra judiciaire n’était autre que le maréchal Bugeaud. Il avait défini les infractions passibles d’amendes vénales qui sont diverses, à percevoir selon le degré de gravité par l’agha, le bachagha, le commandant supérieur du cercle, allant de vingt cinq francs jusqu’à cinq cents francs. Celles-ci sont : rixe, discours séditieux, refus d’accepter la monnaie française, destruction d’arbres fruitiers, dégradations de puits, recel d’objets volés, refus de payer l’impôt, termes injurieux envers l’autorité, asile donné aux criminels, actes de connivence avec l’ennemi, certains vols.

        Hormis les rixes, presque insignifiantes en nombre comme en violence, le recel d’objets volés, aussi peu dérisoires, certains vols, généralement de bestiaux, qui relevaient du droit commun, imputables aux mœurs, les autres amendes touchaient un point de rejet de la souveraineté française et donc elles devaient être justiciables par la cour martiale ou une juridiction spéciale, lesquelles auraient accordé indéniablement un  statut d’ennemi aux résistants et leur garantir certains droits reconnus par le droit public international. Mais le maréchal Bugeaud tenait à faire de l’amalgame entre résistants nobles et voleurs et les faire juger par des hommes sur un plan purement de droit commun. C’état voulu pour éviter de donner de l’impact et de la propagande constructive aux acteurs de la résistance et en faire des héros qui auraient ouvert le chemin à suivre par d’autres. Si l’expédition du maréchal de Bourmont, entreprise par 30.000 soldats, semblait une balade au roi Charles X, le terrain allait désavouer tous les chantres sur le coût de la conquête. En effet, les effectifs ne cessèrent d’augmenter et atteignirent 108.000 hommes en 1846, soit le quart de l’armée française. C’est justement sous son haut commandement, que ce chiffre effarent fut atteint. Il œuvra également à transformer l’armée d’Afrique, en une force assez proche de mercenariat sanguinaire, pourvu d’esprit de rapine et d’héroïsme. Ses chefs ont tous brillé par l’absence de scrupules et de folie meurtrière, tels les généraux Saint-Arnaud, Pellissier, Cavaignac et tant d’autres.

      Mais cette force de frappe considérable ne parvenait pas à neutraliser la résistance dont les éléments, braves et redoutables, tenaient en échec l’ennemi qui découvrait en eux des guerriers hors du commun, qu’il n’eût  eu jamais à affronter de semblables. Louis-Valéry Vignon en témoigne dans son ouvrage ‘La France en Algérie’ :

       «  Elle est difficile cette guerre ! Dans un défilé l’Arabe ou le Berbère se cache derrière les rochers, dans la steppe, derrière une broussaille, un repli de terrain. Les guides mentent souvent ; au risque de leur vie, ils perdent les colonnes dans les montagnes ou les conduisent sur le parti ennemi. Le soldat français rencontre un adversaire comme il n’en a jamais vu, comme il ne savait qu’il pouvait en exister ».    

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