le procès des insurgés de Margueritte cour MOntpellier ahmed bencherif

La colonie attendait cet évènement judiciaire avec une impatience hors du commun. L’opinion publique se sentait déjà mobilisée et solidaire avec les victimes de l’insurrection du 26 avril 1901. Elle était galvanisée par la presse algérienne, résolue à suivre le procès monstre. Les élus locaux  s’impliquaient aux aussi et les parlementaires étaient motivés pour peser de tout leur poids sur le cours des évènements. Tous prenaient en suspicion les jurés montpelliérains, tous regrettaient que la  Cour de cassation eût pris la décision de délocaliser le procès. La cour d’assises était très mal perçue par les colons qui préféraient faire juger par leurs propres magistrats les révoltés de Margueritte. Dans le même temps, ils  créditaient le juge d’instruction Maxime Pheline pour la célérité qu’il avait employée pour la première information judiciaire.

 

La plume de M. Kabous dans le journal Le Progrès d’Orléansville, cet état de suspicion à l’endroit de la cour d’assises de Montpellier qui va juger les insurgés de Margueritte  est su bien  en évidence que l’on est tenté de croire que l’Algérie est un  état souverain, indépendant de la France. Il exprime haut et fort son désaveu. C’est tellement éloquent et expressif que l’on arrive à penser que la Cour de cassation leur avait volé le procès de Margueritte. M. Kabous rend une réponse bien étoffée l’article de M. Rochefort, paru dans l’Intransigeant, lequel exprimait sa consternation pour les conditions carcérales des insurgés de Margueritte à Blida et à Alger, ainsi que sa réprobation pour le bilan nécrologique qui faisait état de seize morts dont deux à la prison Montpensier et 14 à celle de Barberousse. L’auteur fustige d’emblée le choix des témoins assumé par la  cour de Montpellier dont il attire l’attention du jury qu’il aura à faire face à un peuple de colons,  résolu à signifier son plus fort  réquisitoire, bras nus et en tenue de travail. Voici un extrait de sa plume acerbe :

« Mais, qu’ils le veuillent ou non, les jurés de Montpellier sont placés dans une atmosphère bien spéciale, trop française pour juger sainement, pour juger justement. Ils se laisseront attendrir par les paroles pompeuses des avocats, car ils ne connaissent pas l’âme arabe. Dans les insurgés, ils ne verront que des manifestants, dans les révoltés, ils ne verront que des illuminés. Et eux aussi sortiront de là en disant que la victime c’est l’arabe, que le conquérant n’est pas juste, que le Français a volé la terre, la vie et la liberté de l’indigène. Et quand ils les auront tous acquittés, les jurés se retireront près de leur feu discuter, en lisant leur journal de colonisation lointaine, des mœurs barbares des envahisseurs, de la grandeur d’âme, de leur nature chevaleresque, de leur dignité, de  leur foi robuste ». (4)

 

Quelle amertume véhiculée par la haine aveugle d’un individu vidé complètement d’humanisme, malgré les connaissances acquises au contact d’autres hommes au collège ou à l’église. M. Kabous nous donne le  vrai visage du colon négateur, avide et esclavagiste, méconnaissant du  voisin indigène dans sa misère et son ignorance. La question qui mérite d’être posée est la suivante : est-ce que les insurgés de Margueritte n’avaient-ils pas raison de porter les armes ? Il a été répondu par l’affirmative par certains organes de la presse dite ‘libérale’. De même qu’il est fort probable que si l’administrateur et le  caïd Kouider avaient opposé une vraie résistance à Tizi Ouchir, face à sept ou huit individus, l’évènement sanglant du 26 avril n’aurait pas été exécuté.     

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