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Margueritte revisitée 26 avril 1901 t/2 ahmed bencherif

Les prisonniers débarquèrent, prirent le train et arrivèrent vers midi à Montpellier. Leur procession avançait vers la prison sous le regard curieux d’une grosse foule venue voir ces gens qui avaient troublé la sécurité de la colonie. Ils étaient pour la plus part mal  vêtus, maigrichons, de grise mine ridée, très jeunes sauf deux vieillards aux cheveux  neigeux. Ils marchaient sans regarder autour d’eux, indifférents et résignés, transis de froid. Des journalistes étaient là ; ils ne purent cependant pas interviewer  aucun prisonnier. Des femmes apitoyées par leur sort les voyaient passer comme des fantômes, sous leur  burnous blancs, vieillis et abimés par leur trop long séjour carcéral. Ils entrèrent dans la prison, mitoyenne au palais de justice de l’Hérault. Et à midi, l’administration pénitentiaire leur avait servi un repas chaud.                      

 

    L’opinion publique française croyait voir un beau spectacle d’exotisme défiler dans les rues de Montpellier, avec une note significative d’orientalisme qui était à la mode dans les grandes galeries d’art de Paris, sous divers pinceaux de grands artistes, tels De Lacroix ou Fromentin, Etienne Dinet qui avaient exécuté d’excellentes peintures sur la Casbah d’Alger, ses femmes,  ou encore de belles palmeraies entourées de dunes de sable dorées. Elle fut vite frappée d’émoi, en découvrant une troupe de miséreux emmener vers la prison. Elle percevait de façon concrète le drame colonial algérien, ce qui passait vraiment sur l’autre rive de la Méditerranée, comme exactions et iniquités visibles du premier regard. Ce premier contact fut pour elle un sursaut de conscience, un désaveu pour la politique de leur gouvernement et en même  temps une opportunité pour se solidariser avec les accusés. La presse elle-même se sentait mobilisée par en mettant à  nu les gros mensonges de la colonie.

 

  Le procès de Margueritte était de nature coloniale, en  ce sens que le gouverneur général élaborait des lois pénales exclusives pour l’indigène, en association avec le ministère de la Justice à Paris, ou encore appliquait des répressions en dehors de tout tribunal. Autrement dit, ce haut fonctionnaire était concerné par la délocalisation du procès même, soutenu par le parti colonial, fortement influent au Parlement,  sauf que le droit était souverain en France, grâce à la règle fondamentale de séparation des pouvoirs qui garantissait pour chacun ses droits exclusifs.

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