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juge d'instruction Pheline Bida ahmed bencherif

   Le juge d’instruction Pheline poursuivait sa mission de recherche de la vérité avec une méthodologie positive. L’ampleur des interrogatoires exigeait de lui un sens du dévouement à tous les instants. Il craignait d’accuser un innocent par oubli, par inadvertance, par ressentiment au sang des Européens qui avait coulé. Il restait neutre et affrontait souvent le procureur Poinsier qui lui reprochait de la lenteur dans le traitement de l’affaire qui était déjà à sa sixième journée d’interrogatoire. Il demeurait néanmoins imperturbable. Car toute incarcération relevait de son autorité judiciaire. Il s’attirait de ce fait les foudres de la population européenne du village, ainsi que de gros titres dans la presse coloniale qui ne voyait nullement l’utilité d’un tribunal pour juger les rebelles, déjà qualifiés de fauves fanatiques.

 

 Il travaillait plus de douze heures par jour, faisait chaque jour la navette entre Blida et Margueritte, délaissait carrément son foyer dont seule sa femme s’en occupait. Il tenait plusieurs débats avec le parquet qui lui semblaient harassants et terriblement ennuyeux. Poinsier ambitionnait une promotion et n’hésitait pas à léser les droits des accusés. Pheline était légaliste et il n’avait jamais voulu bruler d’étapes dans sa vie. Il œuvrait intelligemment et par désintéressement. Deux jours plus tard, il remit son rapport au procureur.

 

Le filet opéré par les forces militaires avait révélé ses limites et surtout ses incompétences et ses aveuglements. Sur les quatre cents accusés, seulement 188 individus furent inculpés. La marge d’erreur admise était totalement dépassée et cela dénotait absolument toute mesure de circonspection. Cela prouvait qu’il frappait les tribus et surtout les  terrorisait. Et pourtant, le colonisateur avait à faire à un peuple dominé et insoumis dans l’âme, malgré toutes les horreurs et les tyrannies qu’il subissait.

 

Le juge d’instruction estimait avoir fait honnêtement son devoir. Il n’en tirait aucune vanité, n’attendait aucune récompense. Il n’était pas l’homme à courir derrière les honneurs. Pour autant, sa tâche n’était pas encore achevée. Les inculpés avaient été incarcérés à la prison Montpensier de Blida. Le procureur Poinsier les avait rassemblés tous dans la cour pour prise de photos d’identité. Le photographe, un artisan privé, avait ramené tout son équipement pour s’acquitter de cette tâche. Il mit sont appareil photo sur un trépied. Les prisonniers ne le prirent guère pour un canon. Ils n’en furent point émus et ne montrèrent aucune phobie, ni pensèrent à leur mort imminente et violente. Ils en étaient conscients et ce n’était pas pour rien qu’ils pourraient implorer la pitié de leurs gardes. Cette opération s’était passée le plus normalement du monde.

 

Le magistrat Pheline fut amené à installer son cabinet à la prison même dès le premier juin.  Il restait encore un volumineux travail à accomplir. Dans sa tâche, il était toujours secondé par des adjoints. Il interrogeait les prisonniers qui souvent  brouillaient dans leurs déclarations ou se contredisaient. Vers le début du mois de juillet, il avait enfin terminé son travail d’information judiciaire définitive. Le nombre des accusés, qui devaient payer à la société, était encore revu à la baisse. A la fin du mois d’aout, le procureur avait fait incarcérer 137 dont 125 furent mis en accusation à la chambre de la cour d’assises d’Alger. Les autres, au nombre de 51, furent mis en liberté.             

 

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