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la légende de Getuliya; ahmed bencherif

                                                       Doug, le village

           Au sud du royaume des Maures, dans l’atlas saharien, le Mons Malethubalus (le mont des ksour), forme la frontière entre les terres fertiles du nord et les immensités désertiques du Sahara. Il est puissant et généreux, densément boisé sur ses hauteurs, gorgé de sources dont les eaux pures vont se perdre dans les lits des oueds qui traversent de nombreuses vallées ou encore échouer dans les marécages disséminés çà et là, sur des centaines de lieues au sud-est. Son altitude dépasse deux-mille-deux-cents mètres et Il est d’accès difficile. Il représente un retranchement idéal, en  cas de danger imminent.  C’est aussi la frontière entre les terres fertiles du  nord et le Sahara,  de nombreuses tribus Gétules  vivaient. Les chasseurs cueilleurs étaient leurs ancêtres. Ils avaient évolué au fil des âges, depuis la préhistoire, environ quatre à cinq-mille ans, avant notre ère, dans un environnement hostile au milieu de grands fauves et de pachydermes  avec lesquels ils se disputaient la vie. Ils avaient en outre laissé à la postérité de mémorables témoignages sur leur existence, qu’ils avaient sculptés sur les roches, au moyen d’outils primitifs, dont l’inventaire exhaustif  n’a pas été établi entièrement.             

              Au nord du bassin-versant, la montagne bleue se dressait majestueuse et imposante, avec des parois raides, favorable à l’ascension, marquée de dépressions abruptes où tombaient, de façon torrentielle, les eaux pluviales de saison. Son sommet, qui dépassait les deux mille mètres, semblait toucher le ciel. Ses bois étaient étagés et plus on montait, plus ils étaient épais et denses, parfois inextricables, par un tapis broussailleux de romarin, d’alfa, de palmiers nains. Le chêne vert, le genévrier et le pin les peuplaient essentiellement et en faible partie le châtaignier, le caroubier et même le pommier sauvage. Son gibier était  composé de mouflons, insuffisant cependant pour nourrir tous les grands prédateurs en grand  nombre et dont la mobilité rendait la chasse aléatoire.

         Sur plusieurs éminences, étaient construits des groupes de tumuli, en  dalles, les unes posées sur les autres, qui faisaient huit mètres de diamètre et un mètre et demi de relief. C’étaient des sépultures familiales, comme il y en avait partout dans toute la région ou encore sur les Hauts plateaux et plus au sud. Malgré, ces grandes dimensions, la hauteur des chambres funéraires n’atteignait pas un mètre. Au fil de l’évolution des mœurs du peuple Gétule, elles avaient succédé aux Basina que l’on retrouve dans certains endroits dans le  Nord du pays. Les premiers tumuli remontent au troisième millénaire et leur développement avait été réalisé à deux-mille ans avant notre ère, en rapport avec l’accroissement de ces populations et de leur niveau d’émancipation.  En effet, il y a vingt-deux-mille ans, toutes ces tribus s’étaient notablement. Elles parlaient leur langue berbère dotée de son alphabet propre et qu’elles partageaient avec l’ensemble des populations de l’Afrique du nord. Néanmoins, l’écriture n’était pas vulgarisée et restait du domaine de quelques érudits ou des rois. C’était le  cas, des tribus du Mons Malethubalus dont celle de Doug. Elles sont semi-nomades, semi-sédentaires.            

             Sur les contreforts de la montagne, sillonnés de talwegs, situés à mille-trois-cent  mètres d’altitude, le  village Gétule, Doug, s’étendait sur un immense site, d’Ouest en Est. Il comptait plus d’une cinquantaine d’habitations, distantes les unes des autres, alignées sur plusieurs rangées, comme si les concepteurs avaient voulu tracer des boulevards infinis. Leurs matériaux étaient faits de troncs d’arbres, de branches, de roseaux, de terre glaise, de peaux  d’animaux sauvages ou domestiques.        

            Le village se réveillait aux premières aurores, comme à son accoutumée et toute la  vie renaissait avec un beau sourire et une promesse de bonheur et de paix. Le soleil sortait lentement de son disque jaunâtre. Ses rayons, sans grande fluorescence, éclairaient à peine l’horizon. Déjà, les chaumières dégageaient les fumées qui s’élevaient vers le ciel en spirales, sans cesse tourmentées par le souffle d’une légère brise. Les sanglots d’un bébé martyrisaient le silence auroral, alors que sa mère dormait du sommeil du juste. Un mari grondait sa femme qui tardait à lui servir son petit-déjeuner. Un vieillard appelait de toutes ses forces sa bru pour l’aider à sortir de la hutte. Les gens se levaient par un  grand bruit, toujours pressés à vaquer à leurs occupations.             

            Le monde animalier, qui apportait ses lots de bienfaits, ne manquait pas à cette grande chorale du petit matin. Les  cris troublaient le silence pastoral. Ils se mêlaient, fusionnaient, se  confondaient, interprétaient une partition musicale des bêtes : des bœufs beuglaient lugubrement, des brebis bêlaient sourdement, des chèvres chevrotaient tendrement, des chiens aboyaient furieusement, des ânes brayaient à en perdre haleine, des poules caquetaient de façon aigue et prolongée et de temps en temps, des barrissements d’éléphants donnaient l’effroi ou encore des rugissements rauques et  craintifs des lions.

           Les troupeaux partaient à la conquête des hautes herbes sur les contreforts de la montagne et laissaient derrière eux des trainées de poussière qui tourbillonnait indéfiniment. Ils étaient très  nombreux et témoignaient de la prospérité de la tribu. Des  adolescents vifs et alertes les conduisaient. Ils portaient des sacs au dos, confectionnés par leurs mères ou leurs sœurs, en fils de grosse laine, travaillée chez elles. Déjà, ils étaient armés d’arcs et de poignards pour parer à tout danger. Ils tiennent cela de leurs parents. En effet, les Gétules étaient de redoutables guerriers, au courage légendaire et craints par tous. Leurs alliances étaient également recherchées par les rois maures, numides,  carthaginois dont ils payaient les services à des prix très élevés.                     

            Les femmes étaient les premières à l’ouvrage domestique. Elles faisaient bouillir le lait additionné à l’armoise dont les vertus médicinales sont connues notoirement depuis la nuit des temps par les humains, ou encore elles faisaient cuire des piles de galettes. Leurs cuisines étaient disposées à l’extérieur de leurs huttes. Les feux brulaient sous d’ardents brasiers de bois de chêne, à même le sol dans des excavations, quant aux fours d’argile, ils dégageaient une trop grande chaleur. Les ménagères entretenaient méticuleusement leurs foyers dont elles ordonnançaient avec du bon sens les articles de la literie, de la  vaisselle et les produits alimentaires. Elles faisaient tout pour rendre les hommes heureux qui, à leur tour et chacun selon sa bourse, les comblaient de belles robes et de bracelets en argent, à chaque voyage qu’ils effectuaient dans les  capitales des royaumes des Maures, des Numides ou des Carthaginois.

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