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le procès des insurgés de Margueritte Montpellier ahmed bencherif

                               Le procès des insurgés de Margueritte

                                               Cour de Montpellier 

                                        Décembre 1902-février 1903

           

                                    Chapitre 1 : L’insurrection

 

  1. Exposé des faits  

Le vendredi  26 avril 1901, des Righi du douar d’Adelia se soulèvent, munis d’armes de guerre et blanches. Cent vingt cinq  ‘indigènes’ se soulèvent  contre le colonisateur.  Ils marchent sur le  village européen de Margueritte, dénommé à l’origine Ain-Torki, créé vers 1880, situé à 9 kilomètres de Meliana, une vielle cité antique et riche terroir qui avait justifié l’implantation coloniale précoce. Sur leur chemin, ils passent par la maison forestière où un accident meurtrier se produit. Cette tribu était accablée d’impôts, de corvées, d’amendes forestières et de diverses humiliations. Elle était précocement frappée de dépossessions agricoles, dès l’année 1863. Et depuis, elle continuait à les subir, sans foi, ni loi. Elle subissait en se résignant devant la loi du plus fort, qui de surcroît, était inique. Longtemps, elle avait en accepté les injustices flagrantes et les vexations, en espérant de meilleurs lendemains. Ce n’est que tardivement, qu’elle s’était plainte, quand elle fut en fait saignée à blanc.       

Définition de ce mouvement armée

En son temps, plusieurs définitions sont données à ce mouvement armé, aussi bien par la presse que par les services du gouvernement général, ainsi que l’archevêché d’Alger. Il faut  noter qu’il est de faible ampleur, puisqu’il est localisé à un petit village de 300 habitants au plus et que son impact immédiat reste relativement modeste. De ce fait, il est promptement réprimé dès la première intervention militaire. Or, les autorités coloniales et  la presse  étaient confrontées par le passé à des actions militaires puissantes et de longues périodes. Elles ne comprennent pas cette révolte de quelques heures et peinent à la définir systématiquement. Elles accusent directement les colons, fauteurs de troubles et de désordres à Alger et occultent le tempérament insurrectionnel de l’indigène, quand il le faut. L’archevêque d’Alger, Mgr Oury, le gouverneur général, Jonnart, le préfet Lutaud le justifièrent que  c’était là les frais naturels de l’anarchie. Les concepts utilisés et vulgarisés sont : la révolution, l’échauffourée, la petite révolte, la grosse révolte, l’insurrection.

Révolution.     

L’adjoint spécial Jenoudet fait la déposition suivante au procès dans sa vingtième journée : « Vers midi, Désiré Gay vint placidement me dire : «  il y a une révolution ! »  (1). A son tour, Monsieur Monteils, administrateur adjoint, fit lui aussi la déposition suivante quand il était aux mains des insurgés et s’apprêtait à prononcer la profession de foi de l’islam : «  Le caïd Kouider se présenta à moi et me dit : « C’est la révolution ! ». (2) 

Cet élu communal ne parait pas du tout ni étonné, ni bouleversé. Il était loin de se douter que c’était une ‘révolution indigène’.  Car, la révolution est du seul registre des colons. En effet, les Français d’Algérie avaient fait leur propre révolution en 1898 contre les excès et les abus du pouvoir du gouvernement de Paris. Leur mouvement était dirigé contre les Juifs qu’ils jugeaient déloyaux dans la concurrence économique et surtout contre la France elle-même dont ils trouvaient la tutelle trop ferme et étouffante. Le parti colonial demandait une forme de fédéralisme avec la Métropole. Il obtint finalement en décembre 1900 l’autonomie financière qui s’exerçait par le bais des délégations financières, une forme de parlement qui établit le budget et fixe les taxes et les impôts. La révolution des colons menée par Max Régis avait longtemps défrayé la chronique et elle était encore très vive dans les mémoires aussi bien des colons que des indigènes.

Elle avait longtemps défrayé la chronique presque toute l’année 1898 et laissait encore des conséquences de  violence jusqu’aux mois d’avril et de mai 1901 dont les désordres avaient particulièrement déconcerté le préfet Lutaud. En effet, les jeunesses anti-juives avaient provoqué des bagarres dans le café-bar Tantonville et mis à sac la Maison du Peuple.         

Pour revenir à l’action armée des Righa, force est de constater que ce n’est pas une révolution qui a pour objectif de renverser le régime, au moyen d’une stratégie pour y aboutir. Deux  critères indispensables lui font cruellement défaut : la discipline et le chef. Ces deux éléments sont constitutifs pour répondre  au caractère guerrier et à la projection dans le temps. Or, ils sont imperceptibles tout le long de l’opération militaire. Sans risque d’erreur, nous pouvons avancer le terme anarchique qui est manifeste pendant le siège du  village par les révoltés.  

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