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le procès des insurgés de Margueritte cour Montpellier ahmed bencherif

Bilan sanitaire

 

 Les insurgés de Margueritte souffrirent le plus grand calvaire de leur vie dans la prison de Serkadji, à Alger. La dénutrition, l’absence d’hygiène et l’insalubrité des lieux entamaient leurs résistances physiques et mentales sévèrement. C’était la diète forcée pour tuer à petit feu des êtres humains. Leur poids chutait à vue d’œil, leur peau noircissait, leurs facultés mentales se déséquilibraient. Ces insurgés, comme tous les autres détenus, subissaient de mauvais traitements au quotidien : l’humiliation angoissante, l’isolement dans le cachot, les bastonnades,  les corvées.

 

        A la date du 12  novembre, la mortalité qui sévissait parmi eux, était effroyable. Aux deux prévenus décédés à la prison de  Blida, quatorze autres allaient allonger la liste des martyrs à la prison de Barberousse, Alger. Ce bilan nécrologique avait ému le procureur général, d’autant qu’un grand nombre d’entre étaient malades et pris en charge dans plusieurs hôpitaux de la capitale de la colonie. (5) Néanmoins, il  n’ouvrit aucune enquête pour déterminer les responsabilités et les  causes de ces décès au  nombre ahurissant.  Avant leur embarquement pour Montpellier, un autre  bilan sanitaire est dressé. Il fait état de cas de tuberculose, de syphilis, d’ulcérations dermiques, de gale, aussi. Le nombre de décès est de dix-sept survenus uniquement à la prison d’Alger, selon Christian Pheline. (6). Or, l’ensemble des journaux révèlent douze décès à la prison d’Alger et deux à celle de Blida. 

  

        Le 20 novembre 1902, entrait en exécution le transfèrement de 107 accusés restés en vie pour la prison de Montpellier. Les accusés furent réveillés à quatre heures du matin. Ils avaient subi  alors la procédure de levée d’écrou, sous la lumière blafarde de lampes à pétrole. Deux heures vingt minutes plus tard, eut lieu le départ. La longue et pénible marche commença par rangée de quatre individus, encadrée par des Zouaves et en tête des gendarmes montés à cheval. Les prisonniers étaient reliés entre eux par des menottes, tandis que deux voitures cellulaires transportaient les plus dangereux d’entre eux et des  vieillards. Quatre gendarmes fermaient ce cortège de détresse humaine. Ils quittèrent la  Casbah, descendirent la rampe Vallée, sous le regard d’indigènes qui, debout, les regardaient passer comme de vrais fantômes. Ils regagnèrent ensuite l’embarcadère de la compagnie maritime Touache. Vers huit heures du matin, leur embarquement à bord du  bateau La Tafna était achevé, devant une multitude de leurs coreligionnaires.

 

         La Tafna leva l’ancre vers le coup de midi sur les eaux bleues et calmes. Les prisonniers furent tous mis en cale, sous une étroite surveillance de gendarmes. Yakoub recevait quelques d’égards. L’administration pénitentiaire lui avait réservé une couchette et l’avait également mis sous haute surveillance. Lui aussi était malade et souffrait de nausées et de maux de tête. Taalibi n’avait pas la chance d’avoir ce traitement. Car, il était son lieutenant.  La traversée de la mer dura toute la nuit. Le lendemain le navire mouillait à Port-Vendres pour permettre à des particuliers de débarquer, puis il continuait vers Sète où il avait accosté. Ils débarquent et prennent le train  vers leur nouveau port de contrainte.

 

                    Les inculpés de Margueritte arrivent à 10 heures 45. Ils marchent silencieusement, les fers aux mains, en file de quatre individus. Aucun murmure ne trahit leur présence. Ils paraissent émus par cette  ville éminemment propre et nonchalante dans ses premières heures matinales. Ils ressentent les piqures vives du froid. Leur cortège avance en  bon ordre, sous la surveillance vigilante des gendarmes. Ils sont  plutôt émus que apeurés,  par ce qui les attendait. Yakoub est gardé par deux gendarmes, l’un Français, l’autre Indigène. Il dégage une attitude sereine, presqu’impassible. Taalibi, son lieutenant, exprime le même état. Tous ont l’air misérable. Certains sont presque cadavériques, d’autres plutôt décharnés par une longue détention préventive désastreuse. La foule se bouscule pour les voir. La procession formée par les nouveaux prisonniers est escortée par des soldats, des gendarmes à pied et à cheval, des policiers aussi. Elle traverse  la rue de la République, s’engage dans le boulevard du jeu de Paume, puis franchit l’avenue Ledru Rollin. Des journalistes étaient là ; ils ne purent cependant interviewer aucun prisonnier. Des femmes apitoyées par leur sort les voyaient passer comme des ombres, sous leur  burnous blancs, vieillis et abimés.

         Le commissaire central, M. Hitte, dirige le service d’ordre. La sécurité urbaine lui échoit de droit, sous la troisième république. Ses activités sont inventoriées dans un bilan annuel et adressé au maire, d’ailleurs à l’instar de toutes les autres  villes de France, à l’exception de Paris. C’est  cependant un commis de l’Etat. Mais, les missions urbaines locales et  centrales se complètent et souvent leurs responsables sont amenés à négocier en matière d’administration des forces ou de définition des politiques. D’ailleurs le premier magistrat de la ville est doté de pouvoirs considérables dans le cadre de la gestion de la police urbaine, avec cependant le pouvoir de substitution réservé au préfet, en cas de défaillance du premier magistrat de la ville.   

            

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