Créer un site internet

le gouvernement des maires, Margueritte t2 ;ahmed bencherif

« Ah ! Les bonnes terres qui furent longtemps, classées comme une forêt, recouvrent leur vraie nature de terres de culture, s’écria Hamza d’une voix rageuse ». Il eut mal entre les côtes, en pensant à Haidar qui trimait depuis vingt cinq années, sans parvenir à mettre en valeur un petit carré dans le piedmont.  Il souffrait de ces iniquités flagrantes qui le révoltaient, jusqu’à la dernière fibre de soi. Ici, le sol était bon et les exploitants n’avaient pas à se tuer à l’effort exténuant. Force était de reconnaître que le gouvernement général agissait avec la plus grande perfidie pour réunir les conditions favorables à l’implantation des colons, quelle que fût leur date d’arrivée. Une politique très généreuse était adoptée à leur égard, élaborée sur des expropriations abusives de quatre millions d’indigènes qu’elle réduisait à la misère la plus honteuse. « Le gouvernement des colons est diaboliquement malin, s’écria Hamza ».     

    Désormais, les colonisés faisaient la part des choses et ne pouvaient être indéfiniment dupés. Le gouvernement d’Alger, qui était nommé, s’affranchissait davantage de sa tutelle, s’individualisait en une institution propre qui devenait de plus en plus autonome sous la pression du parti colonial. Il ne rendait pas compte au gouvernement de Paris, avec toute la transparence requise, mais il en réformait la politique pour la rendre plus conforme à ses orientations, réformait ou adoptait de nouveaux règlements, triomphait souvent à l’hémicycle par le biais de parlementaires favorables à la colonisation démesurée. Le gouvernement de Paris se taisait, laissait faire, ne s’impliquait plus dans la gouvernance. En dotant le pays, d’un gouvernement civil, il s’était piégé lui-même et ne parvenait plus à imposer ses vues. Il était dépassé par le mouvement qui émergeait : colons et colonisés, toujours inconciliables, rejetaient sa politique en bloc, les premiers ne tempérant pas leurs ambitions, les seconds ne renonçant pas à leur idéal d’indépendance.

      Le village apparaissait, blotti sur une pente dominée par le djebel Gountas. Ses blanches maisons scintillaient au soleil qui dardait. Hamza le contourna et prit le chemin qui menait dans le territoire forestier de la tribu des Righa pour revoir son ami Mabrouk. L’automne, c’était la chute des feuilles. Les arbres perdaient leurs manteaux de verdure,  offraient une sinistre vision de désolation. Le vent soufflait et les feuilles mortes, jaunies et noircies, tourbillonnaient follement, voltigeaient dans un crissement à peine distinct, échouaient sur le sol humide, aux fortes odeurs de foin. De proche en proche, l’on entendait un chien qui aboyait ou une chèvre qui brayait fortement et bientôt les cris d’enfants meublèrent le silence, puis des voix d’hommes tonnèrent. Une femme chantait indéfiniment un refrain. La vie en société y était active, malgré le caractère violent de la nature.

       Arrivé aux abords de la première cahute, Hamza appela de toutes ses forces : « Mabrouk ». Un petit garçon vint le retrouver, en marchant audacieusement et avec arrogance. Il était mignon, de visage rond et de petite taille,  ses cheveux étaient rasés et sa tête brillait. Il portait une longue et forte tunique qui lui donnait un air amusant. Il interrogea le visiteur sans se gêner, en se tenant les hanches avec circonspection, habitué à voir seulement les siens dans les parages. « Que veux-tu, dit-il promptement ? » Hamza répondit en souriant  qu’il cherchait Mabrouk. Le garçon n’en fut pas trop rassuré et s’empressa de lui demander ce qu’il lui voulait. D’un ton naturel, Hamza dit que Mabrouk était son ami et il voulait le revoir.

Ajouter un commentaire

Anti-spam