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le comité révolutionnaire d'unité d'action Ahmed Benc herif

Le CRUA : courte existence, immense œuvre

Par Ait Benali Boubekeur, 23 mars 2008

Le comité révolutionnaire pour l’unité et l’action (CRUA) a eu, certes, une courte existence mais l’immense œuvre qu’il a réalisée restera indéfiniment indélébile dans la mémoire algérienne. Né de la scission du parti nationaliste, le MTLD (mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), il a tenu à ressouder, dans le premier temps, les rangs du parti avant de s’engager dans une perspective d’action armée en vue de soustraire le pays du giron colonial. Bien que certains membres du comité central aient accompagné ce comité dans le seul but de contrarier Messali, président du parti, il n’en reste pas moins que les partisans de la voie neutraliste ont su gérer, avec intelligence, cette période cruciale en l’orientant dans le sens de rassembler toutes les forces vives de la nation.

La crise de leadership au sein du parti a failli emporter le dernier espoir d’émancipation du peuple algérien du joug colonial. Car le MTLD, principal parti nationaliste, était le seul qui pouvait bousculer l’ordre établi par la puissance coloniale. En se trouvant devant l’inéluctable séparation entre le président et les membres du comité central, un groupe d’activistes a opté pour la solution qu’attendait la base depuis les événements de Sétif et Guelma en 1945 : le passage à l’action armée.

Quels étaient alors les moments forts allant de la scission au passage à l’action en passant par la naissance du CRUA, le 23 mars 1954 ? La crise au sommet du parti a connu son point de non retour lorsque la direction du parti avait appelé, le 10 décembre 1953, pour la tenue d’un congrès national algérien. Cette proposition, pour rappel, avait été rejetée lors du congrès tenu six mois plus tôt. Messali, en résidence surveillée à Niort, avait décidé alors d’utiliser tous les pouvoirs en sa possession pour que la direction ne réussisse pas dans cette entreprise. En estimant que le comité central se lançait dans une voie de réformisme, le président avait décidé de porter le débat dans la rue pour que l’opinion sache l’orientation déviationniste, selon lui, du comité central.

Ces divergences étaient-elles surmontables? Les historiens qui ont étudié la question ont estimé que le différend concernait la ligne directrice du parti. Du coup, toute réconciliation n’aurait été qu’éphémère. L’historien algérien, Mohamed Harbi, dans son livre « aux origines du FLN », a expliqué que les divergences remontaient au second congrès du MTLD d’avril 1953. Il a retenu notamment quatre points :

1) La recherche d’appuis extérieurs

2) La politique électorale

3) L’unité nord-africaine

4) La politique des alliances en Algérie

Cette situation a engendré deux tendances qui n’étaient pas prêtes à céder sur leurs positions de principe. L’un des animateurs de la troisième voie dite neutraliste, Ahmed Mahsas, a constaté que : « les risques de la division se sont aggravées plus que jamais. Nous sommes toujours en présence de deux parties hostiles ».

C’est à ce moment-là, il y a cinquante quatre ans, un certain 23 mars, que naissait le CRUA. La réunion s’est déroulée dans une école coranique Al Rachad. Elle a regroupé quatre militants : Boudiaf, Ben Boulaid, Dekhli et Bouchebouba. Toutefois, si les deux premiers avaient fait partie de l’organisation paramilitaire du MTLD, l’OS, les deux derniers étaient des politiques proches des centralistes. Le comité s’est fixé pour objectif la réunification du parti et son orientation vers l’action armée à court terme. Selon Gilbert Meynier : « pour Boudiaf, l’objectif était de convoquer un congrès unitaire où toutes les tendances seraient représentées, y compris les anciens de l’OS, écartés depuis 1951 et interdit de congrès en 1953, de refuser de reconnaître la délégation provisoire messaliste…. ».

Cependant, si les centralistes étaient bien représentés, l’autre tendance en conflit ne voyait qu’un parti pris flagrant contre elle. En effet, Messali ne voyait dans les membres du CRUA que l’ombre des centralistes et à leur tète Hocine Lahouel, membre influent du comité central. En effet, pourvu que Messali n’ait pas le dernier mot, les centralistes, il faut le dire, étaient prêts à jouer toutes les cartes. D’ailleurs, dés le premier numéro du patriote, bulletin du CRUA, le parti pris contre Messali était clairement affiché. La raison à cela selon Harbi était que : « Le financement du bulletin et son impression sont assurés par une somme de deux cent mille francs (2000 NF) avancés par le comité central ».

Les soupçons qui pesaient sur Dekhli et Bouchebouba étaient avérés exacts lorsque les deux tendances, centralistes et messalistes, préparaient séparément leurs congrès pour l’été 1954. Dekhli et Bouchebouba ont soutenu nettement le point de vue du comité central au sein du CRUA, alors que Boudiaf et Ben Boulaid, les deux autres membres, ont estimé inutile la convocation du congrès centraliste. Ils ont proposé la préparation de l’insurrection immédiate afin que la lutte réunisse tout le peuple autour de cet idéal. Mais la tergiversation des centralistes a conduit le groupe à se scinder. Ceux qu’on appelait les activistes du CRUA ont convoqué, le 25 juin 1954, à l’insu des deux autres membres, une réunion à laquelle ont participé vingt-deux militants de l’organisation spéciale. C’était le fameux groupe des 22. Ce jour-là la discussion était orientée dans le sens de réunir les conditions pour défier un système colonial injuste qui a trop duré. La décision d’affronter la puissance coloniale n’a rencontré aucune opposition parmi les présents. Ils ont, pour ce faire, créé un conseil collégial contenant cinq membre : Boudiaf, Ben Boulaid, Bitat, Ben M’hidi et Didouche. Leur mission était de réunir les conditions pour qu’une action armée soit déclenchée dans un temps relativement court.

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