le bagne, ahmed bencherif

Le bagne

Les bagnards sont classés en trois catégories :

-. Les transportés sont astreints aux travaux forcés.

-. Les déportés politiques non astreints aux travaux forcés

                    -. Les relégués sont les délinquants récidivistes

Leur déplacement au bagne nécessite, comme pour tout autre bagnard, l’étude méticuleuse de leurs dossiers au double plan judiciaire et moral. C’est la mission d’une institution spéciale qui va déterminer pour chacun son régime carcéral.   C’est la commission permanente de régime pénitentiaire, créée par le décret 1880, qui est en charge de cette tâche complexe et difficile. Elle reçoit donc les dossiers des treize forçats de Margueritte, qui lui sont transmis par la cour d’assises de Montpellier. Les condamnés subissent encore de nouvelles peines. En effet, ils sont classés à la troisième classe, et de ce fait, ils ne bénéficient pas de salaires ni de concessions agricoles, une fois leurs doubles peines purgées, celle des travaux forcés et celle de l’interdiction de séjour.      

Les prisonniers de Margueritte séjournent presque trois mois à la maison d’arrêt de Thouars. Ils subissent les terribles épreuves de l’incarcération, de la nostalgie et de leur isolement par rapport aux codétenus français dont ils ne comprennent pas le langage. Quant à Yakoub, il s’enfonce davantage dans sa retraite. Seulement onze détenus quittent le 24 juin 1903 la prison de Thouars sous une escorte vigilante de dix gendarmes pour rejoindre celle de La Rochelle . Le douzième manque. Est-il mort dans cette prison ? L’affirmer constitue une problématique. Pour être conforme au langage juridique, il est approprié de le classer comme disparu. Le lendemain vers midi, ils embarquent sur le vapeur Coligny qui les mènera au dépôt bagne de Saint-Martin de Ré.  

Vers le dix du mois de décembre 1903, ils furent rassemblés, dès le début du jour, comme à l’ordinaire dans la cour, sous une haute surveillance de cinquante gardiens. Le directeur, M. Picqué, se présente devant eux et leur annonce que le départ pour aller purger leur peine était prévu dans les quinze jours qui suivraient. Les forçats se réjouissaient dans l’immédiat y compris, ceux de Margueritte. Car, le régime carcéral s’assouplit : ils sont mis au repos, dispensés de travailler aux ateliers, aux jardins, à la coupe de bois. Le temps de la promenade est plus allongé que d’habitude.

Le vingt-trois décembre de l’an 1903, c’est l’embarquement des transportés et des relégués. C’est la fin de leur vie en société, le début d’un drame sans fin, sans commune mesure avec les crimes et les délits qu’ils avaient perpétrés.

D’une prison à l’autre, les insurgés laissent derrière eux des morts qui ne sont pas reconnus officiellement. En entrant à la citadelle, ils sont onze individus. À l’embarquement, ils ne sont plus que neuf,

 

Vie de forçat

 

Les forçats sont encadrés par des porteclés, auxiliaires des surveillants, choisis parmi les détenus, composés d’Européens et en majorité d’Arabes, tous sont lamentablement détestés, pour l’espionite et la délation qu’ils exercent impunément sur les condamnés. Ils se réveillent à cinq heures du matin, font leur semblant de toilettes, rangent leurs cases, se présentent dans la cour centrale pour le rassemblement. Ils sont répartis par pelotons de trente individus, chacun sous les ordres d’un surveillant. Ils répondent à l’appel fait par leurs porteclés respectifs à six heures. Ils quittent le camp aussitôt, traversent les rues de la ville, regagnent leurs chantiers et entament le travail exténuant et harassant. Ces sites grouillent de forçats, qu’ils soient de déforestation ou de défrichement, ou encore dans les carrières de pierre, ou l’abattage des arbres géants. Ils sont français, maghrébins, tous liés par le même tragique sort. Les Algériens forment cependant la majorité. Il leur est interdit d’observer la moindre pause. Une faute quelconque expose son auteur à des punitions sévères, dont la mise au cachot, vraie terreur des condamnés. Mais, c’est aussi l’occasion de faire d’heureuses retrouvailles avec des individus originaires d’une même région et du même pays. C’est ainsi que les condamnés de Margueritte repèrent des Arabes de l’arrondissement d’Orléansvilles.

Ils rejoignent ensuite leurs cases pour dormir sous escorte. Chacun se couche sur sa planche et les porteclés ou les surveillants les fixent à la barre de justice à la cheville. À vingt heures, c’est l’extinction des feux. La nuit, c’est la terreur, la phobie dans les cases. Le condamné doit être fort et courageux pour sa propre survie. Le bagne est conçu pour des criminels endurcis pour qui le crime est presque un jeu d’enfant, une action héroïque pour nourrir leur égocentrisme. Il en est pourtant des jeunes qui sont doux, arrivés là accidentellement qui font le plaisir des hommes virils la nuit. Les viols sont également courants. Les vols sont nombreux, justifiés pour faire un petit commerce et acheter de la nourriture. La violence est omniprésente, particulièrement cruelle, avec une impulsivité incroyable. Les agressions vont jusqu’au meurtre 

Les forçats contractent tous des maladies virales tropicales qui les anémient, les rendent squelettiques, les fragilisent au point de leur provoquer des hallucinations. C’est un autre bourreau contre lequel ils ne peuvent pas lutter. La fièvre jaune et le paludisme font des ravages parmi la population carcérale. D’autres maladies encore, les terrassent : la typhoïde et l’ankylostomiase, dues principalement par l’insalubrité et l’absence d’hygiène

Le bagne

Les bagnards sont classés en trois catégories :

-. Les transportés sont astreints aux travaux forcés.

-. Les déportés politiques non astreints aux travaux forcés

                    -. Les relégués sont les délinquants récidivistes

Leur déplacement au bagne nécessite, comme pour tout autre bagnard, l’étude méticuleuse de leurs dossiers au double plan judiciaire et moral. C’est la mission d’une institution spéciale qui va déterminer pour chacun son régime carcéral.   C’est la commission permanente de régime pénitentiaire, créée par le décret 1880, qui est en charge de cette tâche complexe et difficile. Elle reçoit donc les dossiers des treize forçats de Margueritte, qui lui sont transmis par la cour d’assises de Montpellier. Les condamnés subissent encore de nouvelles peines. En effet, ils sont classés à la troisième classe, et de ce fait, ils ne bénéficient pas de salaires ni de concessions agricoles, une fois leurs doubles peines purgées, celle des travaux forcés et celle de l’interdiction de séjour.      

Les prisonniers de Margueritte séjournent presque trois mois à la maison d’arrêt de Thouars. Ils subissent les terribles épreuves de l’incarcération, de la nostalgie et de leur isolement par rapport aux codétenus français dont ils ne comprennent pas le langage. Quant à Yakoub, il s’enfonce davantage dans sa retraite. Seulement onze détenus quittent le 24 juin 1903 la prison de Thouars sous une escorte vigilante de dix gendarmes pour rejoindre celle de La Rochelle . Le douzième manque. Est-il mort dans cette prison ? L’affirmer constitue une problématique. Pour être conforme au langage juridique, il est approprié de le classer comme disparu. Le lendemain vers midi, ils embarquent sur le vapeur Coligny qui les mènera au dépôt bagne de Saint-Martin de Ré.  

Vers le dix du mois de décembre 1903, ils furent rassemblés, dès le début du jour, comme à l’ordinaire dans la cour, sous une haute surveillance de cinquante gardiens. Le directeur, M. Picqué, se présente devant eux et leur annonce que le départ pour aller purger leur peine était prévu dans les quinze jours qui suivraient. Les forçats se réjouissaient dans l’immédiat y compris, ceux de Margueritte. Car, le régime carcéral s’assouplit : ils sont mis au repos, dispensés de travailler aux ateliers, aux jardins, à la coupe de bois. Le temps de la promenade est plus allongé que d’habitude.

Le vingt-trois décembre de l’an 1903, c’est l’embarquement des transportés et des relégués. C’est la fin de leur vie en société, le début d’un drame sans fin, sans commune mesure avec les crimes et les délits qu’ils avaient perpétrés.

D’une prison à l’autre, les insurgés laissent derrière eux des morts qui ne sont pas reconnus officiellement. En entrant à la citadelle, ils sont onze individus. À l’embarquement, ils ne sont plus que neuf,

 

Vie de forçat

 

Les forçats sont encadrés par des porteclés, auxiliaires des surveillants, choisis parmi les détenus, composés d’Européens et en majorité d’Arabes, tous sont lamentablement détestés, pour l’espionite et la délation qu’ils exercent impunément sur les condamnés. Ils se réveillent à cinq heures du matin, font leur semblant de toilettes, rangent leurs cases, se présentent dans la cour centrale pour le rassemblement. Ils sont répartis par pelotons de trente individus, chacun sous les ordres d’un surveillant. Ils répondent à l’appel fait par leurs porteclés respectifs à six heures. Ils quittent le camp aussitôt, traversent les rues de la ville, regagnent leurs chantiers et entament le travail exténuant et harassant. Ces sites grouillent de forçats, qu’ils soient de déforestation ou de défrichement, ou encore dans les carrières de pierre, ou l’abattage des arbres géants. Ils sont français, maghrébins, tous liés par le même tragique sort. Les Algériens forment cependant la majorité. Il leur est interdit d’observer la moindre pause. Une faute quelconque expose son auteur à des punitions sévères, dont la mise au cachot, vraie terreur des condamnés. Mais, c’est aussi l’occasion de faire d’heureuses retrouvailles avec des individus originaires d’une même région et du même pays. C’est ainsi que les condamnés de Margueritte repèrent des Arabes de l’arrondissement d’Orléansvilles.

Ils rejoignent ensuite leurs cases pour dormir sous escorte. Chacun se couche sur sa planche et les porteclés ou les surveillants les fixent à la barre de justice à la cheville. À vingt heures, c’est l’extinction des feux. La nuit, c’est la terreur, la phobie dans les cases. Le condamné doit être fort et courageux pour sa propre survie. Le bagne est conçu pour des criminels endurcis pour qui le crime est presque un jeu d’enfant, une action héroïque pour nourrir leur égocentrisme. Il en est pourtant des jeunes qui sont doux, arrivés là accidentellement qui font le plaisir des hommes virils la nuit. Les viols sont également courants. Les vols sont nombreux, justifiés pour faire un petit commerce et acheter de la nourriture. La violence est omniprésente, particulièrement cruelle, avec une impulsivité incroyable. Les agressions vont jusqu’au meurtre 

Les forçats contractent tous des maladies virales tropicales qui les anémient, les rendent squelettiques, les fragilisent au point de leur provoquer des hallucinations. C’est un autre bourreau contre lequel ils ne peuvent pas lutter. La fièvre jaune et le paludisme font des ravages parmi la population carcérale. D’autres maladies encore, les terrassent : la typhoïde et l’ankylostomiase, dues principalement par l’insalubrité et l’absence d’hygiène

Le bagne

Les bagnards sont classés en trois catégories :

-. Les transportés sont astreints aux travaux forcés.

-. Les déportés politiques non astreints aux travaux forcés

                    -. Les relégués sont les délinquants récidivistes

Leur déplacement au bagne nécessite, comme pour tout autre bagnard, l’étude méticuleuse de leurs dossiers au double plan judiciaire et moral. C’est la mission d’une institution spéciale qui va déterminer pour chacun son régime carcéral.   C’est la commission permanente de régime pénitentiaire, créée par le décret 1880, qui est en charge de cette tâche complexe et difficile. Elle reçoit donc les dossiers des treize forçats de Margueritte, qui lui sont transmis par la cour d’assises de Montpellier. Les condamnés subissent encore de nouvelles peines. En effet, ils sont classés à la troisième classe, et de ce fait, ils ne bénéficient pas de salaires ni de concessions agricoles, une fois leurs doubles peines purgées, celle des travaux forcés et celle de l’interdiction de séjour.      

Les prisonniers de Margueritte séjournent presque trois mois à la maison d’arrêt de Thouars. Ils subissent les terribles épreuves de l’incarcération, de la nostalgie et de leur isolement par rapport aux codétenus français dont ils ne comprennent pas le langage. Quant à Yakoub, il s’enfonce davantage dans sa retraite. Seulement onze détenus quittent le 24 juin 1903 la prison de Thouars sous une escorte vigilante de dix gendarmes pour rejoindre celle de La Rochelle . Le douzième manque. Est-il mort dans cette prison ? L’affirmer constitue une problématique. Pour être conforme au langage juridique, il est approprié de le classer comme disparu. Le lendemain vers midi, ils embarquent sur le vapeur Coligny qui les mènera au dépôt bagne de Saint-Martin de Ré.  

Vers le dix du mois de décembre 1903, ils furent rassemblés, dès le début du jour, comme à l’ordinaire dans la cour, sous une haute surveillance de cinquante gardiens. Le directeur, M. Picqué, se présente devant eux et leur annonce que le départ pour aller purger leur peine était prévu dans les quinze jours qui suivraient. Les forçats se réjouissaient dans l’immédiat y compris, ceux de Margueritte. Car, le régime carcéral s’assouplit : ils sont mis au repos, dispensés de travailler aux ateliers, aux jardins, à la coupe de bois. Le temps de la promenade est plus allongé que d’habitude.

Le vingt-trois décembre de l’an 1903, c’est l’embarquement des transportés et des relégués. C’est la fin de leur vie en société, le début d’un drame sans fin, sans commune mesure avec les crimes et les délits qu’ils avaient perpétrés.

D’une prison à l’autre, les insurgés laissent derrière eux des morts qui ne sont pas reconnus officiellement. En entrant à la citadelle, ils sont onze individus. À l’embarquement, ils ne sont plus que neuf,

 

Vie de forçat

 

Les forçats sont encadrés par des porteclés, auxiliaires des surveillants, choisis parmi les détenus, composés d’Européens et en majorité d’Arabes, tous sont lamentablement détestés, pour l’espionite et la délation qu’ils exercent impunément sur les condamnés. Ils se réveillent à cinq heures du matin, font leur semblant de toilettes, rangent leurs cases, se présentent dans la cour centrale pour le rassemblement. Ils sont répartis par pelotons de trente individus, chacun sous les ordres d’un surveillant. Ils répondent à l’appel fait par leurs porteclés respectifs à six heures. Ils quittent le camp aussitôt, traversent les rues de la ville, regagnent leurs chantiers et entament le travail exténuant et harassant. Ces sites grouillent de forçats, qu’ils soient de déforestation ou de défrichement, ou encore dans les carrières de pierre, ou l’abattage des arbres géants. Ils sont français, maghrébins, tous liés par le même tragique sort. Les Algériens forment cependant la majorité. Il leur est interdit d’observer la moindre pause. Une faute quelconque expose son auteur à des punitions sévères, dont la mise au cachot, vraie terreur des condamnés. Mais, c’est aussi l’occasion de faire d’heureuses retrouvailles avec des individus originaires d’une même région et du même pays. C’est ainsi que les condamnés de Margueritte repèrent des Arabes de l’arrondissement d’Orléansvilles.

Ils rejoignent ensuite leurs cases pour dormir sous escorte. Chacun se couche sur sa planche et les porteclés ou les surveillants les fixent à la barre de justice à la cheville. À vingt heures, c’est l’extinction des feux. La nuit, c’est la terreur, la phobie dans les cases. Le condamné doit être fort et courageux pour sa propre survie. Le bagne est conçu pour des criminels endurcis pour qui le crime est presque un jeu d’enfant, une action héroïque pour nourrir leur égocentrisme. Il en est pourtant des jeunes qui sont doux, arrivés là accidentellement qui font le plaisir des hommes virils la nuit. Les viols sont également courants. Les vols sont nombreux, justifiés pour faire un petit commerce et acheter de la nourriture. La violence est omniprésente, particulièrement cruelle, avec une impulsivité incroyable. Les agressions vont jusqu’au meurtre 

Les forçats contractent tous des maladies virales tropicales qui les anémient, les rendent squelettiques, les fragilisent au point de leur provoquer des hallucinations. C’est un autre bourreau contre lequel ils ne peuvent pas lutter. La fièvre jaune et le paludisme font des ravages parmi la population carcérale. D’autres maladies encore, les terrassent : la typhoïde et l’ankylostomiase, dues principalement par l’insalubrité et l’absence d’hygiène

Le bagne

Les bagnards sont classés en trois catégories :

-. Les transportés sont astreints aux travaux forcés.

-. Les déportés politiques non astreints aux travaux forcés

                    -. Les relégués sont les délinquants récidivistes

Leur déplacement au bagne nécessite, comme pour tout autre bagnard, l’étude méticuleuse de leurs dossiers au double plan judiciaire et moral. C’est la mission d’une institution spéciale qui va déterminer pour chacun son régime carcéral.   C’est la commission permanente de régime pénitentiaire, créée par le décret 1880, qui est en charge de cette tâche complexe et difficile. Elle reçoit donc les dossiers des treize forçats de Margueritte, qui lui sont transmis par la cour d’assises de Montpellier. Les condamnés subissent encore de nouvelles peines. En effet, ils sont classés à la troisième classe, et de ce fait, ils ne bénéficient pas de salaires ni de concessions agricoles, une fois leurs doubles peines purgées, celle des travaux forcés et celle de l’interdiction de séjour.      

Les prisonniers de Margueritte séjournent presque trois mois à la maison d’arrêt de Thouars. Ils subissent les terribles épreuves de l’incarcération, de la nostalgie et de leur isolement par rapport aux codétenus français dont ils ne comprennent pas le langage. Quant à Yakoub, il s’enfonce davantage dans sa retraite. Seulement onze détenus quittent le 24 juin 1903 la prison de Thouars sous une escorte vigilante de dix gendarmes pour rejoindre celle de La Rochelle . Le douzième manque. Est-il mort dans cette prison ? L’affirmer constitue une problématique. Pour être conforme au langage juridique, il est approprié de le classer comme disparu. Le lendemain vers midi, ils embarquent sur le vapeur Coligny qui les mènera au dépôt bagne de Saint-Martin de Ré.  

Vers le dix du mois de décembre 1903, ils furent rassemblés, dès le début du jour, comme à l’ordinaire dans la cour, sous une haute surveillance de cinquante gardiens. Le directeur, M. Picqué, se présente devant eux et leur annonce que le départ pour aller purger leur peine était prévu dans les quinze jours qui suivraient. Les forçats se réjouissaient dans l’immédiat y compris, ceux de Margueritte. Car, le régime carcéral s’assouplit : ils sont mis au repos, dispensés de travailler aux ateliers, aux jardins, à la coupe de bois. Le temps de la promenade est plus allongé que d’habitude.

Le vingt-trois décembre de l’an 1903, c’est l’embarquement des transportés et des relégués. C’est la fin de leur vie en société, le début d’un drame sans fin, sans commune mesure avec les crimes et les délits qu’ils avaient perpétrés.

D’une prison à l’autre, les insurgés laissent derrière eux des morts qui ne sont pas reconnus officiellement. En entrant à la citadelle, ils sont onze individus. À l’embarquement, ils ne sont plus que neuf,

 

Vie de forçat

 

Les forçats sont encadrés par des porteclés, auxiliaires des surveillants, choisis parmi les détenus, composés d’Européens et en majorité d’Arabes, tous sont lamentablement détestés, pour l’espionite et la délation qu’ils exercent impunément sur les condamnés. Ils se réveillent à cinq heures du matin, font leur semblant de toilettes, rangent leurs cases, se présentent dans la cour centrale pour le rassemblement. Ils sont répartis par pelotons de trente individus, chacun sous les ordres d’un surveillant. Ils répondent à l’appel fait par leurs porteclés respectifs à six heures. Ils quittent le camp aussitôt, traversent les rues de la ville, regagnent leurs chantiers et entament le travail exténuant et harassant. Ces sites grouillent de forçats, qu’ils soient de déforestation ou de défrichement, ou encore dans les carrières de pierre, ou l’abattage des arbres géants. Ils sont français, maghrébins, tous liés par le même tragique sort. Les Algériens forment cependant la majorité. Il leur est interdit d’observer la moindre pause. Une faute quelconque expose son auteur à des punitions sévères, dont la mise au cachot, vraie terreur des condamnés. Mais, c’est aussi l’occasion de faire d’heureuses retrouvailles avec des individus originaires d’une même région et du même pays. C’est ainsi que les condamnés de Margueritte repèrent des Arabes de l’arrondissement d’Orléansvilles.

Ils rejoignent ensuite leurs cases pour dormir sous escorte. Chacun se couche sur sa planche et les porteclés ou les surveillants les fixent à la barre de justice à la cheville. À vingt heures, c’est l’extinction des feux. La nuit, c’est la terreur, la phobie dans les cases. Le condamné doit être fort et courageux pour sa propre survie. Le bagne est conçu pour des criminels endurcis pour qui le crime est presque un jeu d’enfant, une action héroïque pour nourrir leur égocentrisme. Il en est pourtant des jeunes qui sont doux, arrivés là accidentellement qui font le plaisir des hommes virils la nuit. Les viols sont également courants. Les vols sont nombreux, justifiés pour faire un petit commerce et acheter de la nourriture. La violence est omniprésente, particulièrement cruelle, avec une impulsivité incroyable. Les agressions vont jusqu’au meurtre 

Les forçats contractent tous des maladies virales tropicales qui les anémient, les rendent squelettiques, les fragilisent au point de leur provoquer des hallucinations. C’est un autre bourreau contre lequel ils ne peuvent pas lutter. La fièvre jaune et le paludisme font des ravages parmi la population carcérale. D’autres maladies encore, les terrassent : la typhoïde et l’ankylostomiase, dues principalement par l’insalubrité et l’absence d’hygiène

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