Gétuliya, femme Numide dans la forêt; ahmed bencherif

Pour commencer à c

       La forêt entrait presque dans la nuit. Les rayons de  soleil ne passaient à travers les épais feuillages. C’était le faux jour. Le monde nocturne des animaux se réveillait : les prédateurs à l’affût, les proies sur leurs gardes. Massine distinguait à peine les choses. Mais elle entendait déjà des cris qui l’épouvantaient. Elle entendit le puissant grondement de l’ours. Il était dans les habitudes de cet animal sauvage d’activer au crépuscule et aller roder autour des douars pour trouver de quoi manger, s’il ne trouvait pas en chemin une proie. Il était brun, de grande masse et pesait jusqu’à six cents kilogrammes. Il s’attaquait à l’homme et au bétail, quand il avait faim. Alors l’homme le chassait, en mangeait la viande, et de sa fourrure, il en faisait des habits. C’était l’ours de l’Atlas qui peuplait toute l’Afrique du Nord.

        La pauvre femme entendit un son continu, puissant, lourd, comme un roulement de tambour. C’était le bruit fort qui présageait appartenir à un animal sauvage. En effet, ses pattes semblaient damer le sol qui s’enfonçait sous la masse de chair importante. Il apparut aussitôt à deux cents pas plus loin. C’était un sanglier. Il courait, fonçait droit devant lui, aveuglément, brisait de jeunes pousses sur son passage, n’en ressentait les égratignures, car son cuir était dur et très résistant. Mais il était blessé et le sang coulait et laissait des traces. Elle le vit venir, museau au bas du sol, yeux au bas du sol, pour mieux s’armer de courage et charger. Il fonçait droit sur Massine. Elle eut juste le temps de s’éloigner et d’éviter le choc foudroyant. Juste après une hyène venait en marcher gauchement. Elle poursuivait le sanglier qui avait disparu dans les fourrés. Mais elle sentit l’odeur d’une proie. Puis elle vit la jeune femme. Elle se lécha les lèvres pour avoir un bon appétit, perça de ses yeux gris le faux jour. Puis surgissent trois autres de sa progéniture. Le sort de Massine était désormais scellé. Elle allait sûrement servir comme repas copieux pour ces charognards qui chassent la nuit. Elle haïssait l’hyène, comme elle haïssait le sanglier que son peuple numide ne mangeait pas. Mais certaines vieilles sorcières utilisaient les viscères et le cerveau de cet animal grognard pour des artifices de magie qu’elles vendent à fort prix à des épouses qui désirent dominer leurs époux. C’est pourquoi les chasseurs de sanglier enterrent dans un endroit caché et inaccessible ses viscères et sa tête. Non, Massine n’en usait pas. Elle était trop belle et c’étaient ses charmes qui accédaient à la faveur des hommes.

        Elle pensa que son heure avait sonné. Elle leva ses mains jointes au ciel pour implorer pitié à ses dieux. Elle prit ensuite deux silex pour essayer de faire un feu et éloigner ainsi cette meute d’hyènes. Les herbes étaient trempées et ne brûlaient pas. La pauvre n’était pas au bout de ses peurs. Oui le gala s’achevait. Elle entendit des rugissements. Deux lionnes apparurent. Elles étaient menaçantes. Elles marchaient d’un pas hardi, posé, lent, queue dressée, mâchoires grandes ouvertes. Puis le fort lion arriva. Il marchait noblement. Puis il avançait en tête, les lionnes le laissèrent passer. Car elles ne se trouvaient pas dans leur territoire et donc elles ne pouvaient pas être hostiles au roi des animaux. Les hyènes se mirent aussi en retrait par soumission. Massine tomba au sol, abandonna ses espérances pour fuir ou implorer ces bêtes féroces. La pauvre jeune femme. Elle était belle et ne méritait pas de mourir charcutée, dépecée par des fauves. Elle était humaine et devait mouroir de mort naturelle parmi les humains. Mais quel miracle pourrait la sauver. Elle eut une pensée pour sa mère, son père, ses frères et sœurs, son mari qu’elle épousa depuis une année seulement et dont elle était déçue. Elle n’aimait pas son mari qui n’était pas guerrier, ni lutteur contre les fauves, comme il y en avait beaucoup en Gétulie. Il n’était pas non plus riche. Il vivait seulement des produits d’une échoppe dans les marchés et donc il s’absentait beaucoup. Elle ne l’avait pas choisi. Mais ses parents l’avaient choisi pour elle. En plus de sa peur, elle souffrait aussi sa mauvaise  infortune.                                                                       

            Soudain une puissante clameur ébranla la forêt. Elle exprimait la fureur et la violence. Elle insista et continua. C’étaient des sons inaudibles que ne comprenaient guère Massine, mais qui lui glaçaient le dos d’effroi. On dirait un séisme qui avait secoué la terre, ou une explosion de volcan qui éjectait ses magmas. Les légers feuillages frémissaient et une petite branche s’était brisée. Les hyènes dressèrent leurs oreilles pour localiser ce son de terreur. Les lionnes se redressèrent pour bien distinguer d’où venaient ces clameurs insolites. Le lion s’était mis en position d’attaque. Toutes ces bêtes fauves étaient en alerte. Finalement un homme avait apparu. C’était Tafrent. Il venait en courant, à grandes enjambées, puissant et fier, sûr de lui-même. Sa grande taille impressionnait : de larges épaules, des bras puissants. Il était bâti comme un géant. Son courage égalait sa force. Rien ne le repoussait, ni fauves, ni un peloton de guerriers. Très habile aussi. Un vrai Gétule, digne de son peuple que craignaient Rome, Carthage, l’Egypte et les

Iles Ibériques (Espagne).

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